Sommaire
La planète terre face à une extinction massive causée par l'homme : "Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier oiseau tué, le dernier poisson capturé, alors seulement vous constaterez que l'argent ne se mange pas" dicton Amérindien. https://www.novethic.fr/actualite/infographies/isr-rse/infographie-la-planete-terre-face-a-une-extinction-massive-causee-par-l-homme-145637.html#.WsS4JbjQ2CA.facebook
Rob Hopkins et semailles, un même combat, celui de la transition : http://www.canalc.be/rob-hopkins-et-semailles-meme-combat-celui-de-la-transition/
Terre, pollution, biodiversité : https://dailygeekshow.com/terres-degradation-pollution-biodiversite-ecologie/
La sècheresse menace l'agriculture en Espagne : https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/secheresse-les-fruits-et-legumes-menaces-en-espagne_2664934.html
Biodiversité et humanité par GIRAUD : http://www.rfi.fr/emission/20180330-giraud-afd-cnrs-biodiversite-humanite-terre-climat
BOURG, philosophe anthropocène :http://www.rfi.fr/emission/20180329-bourg-philosophe-anthropocene-ere-geologique-homme-terre?ref=fb
L'idéologie numérique contre le sens critique :https://theconversation.com/debat-lideologie-numerique-contre-le-sens-critique-94005?utm_source=facebook&utm_medium=facebookbutton
-Emission France Inter : Se reconnecter à la terre : https://www.franceinter.fr/emissions/pensez-donc/pensez-donc-06-mai-2018
-Pourquoi la nature nous fait du bien : https://theconversation.com/pourquoi-la-nature-nous-fait-du-bien-les-scientifiques-expliquent-92959?utm_source=facebook&utm_medium=facebookbutton
-Article : L’écologie n’est pas qu’un problème de riche : https://mrmondialisation.org/lecologie-nest-pas-quun-probleme-de-riches/
-Article : Les climatosceptiques nous ont déclaré la guerre : http://www.imagine-magazine.com/lire/spip.php?article2491
-Emission : Quelle terre pour demain, Dominique Bourg creuse son sillon : https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/quelle-terre-pour-demain-dominique-bourg-creuse-son-sillon
-Analyse : Le monde est peuplé de fou et il n’y aura pas de sortie du tunnel : https://reporterre.net/Pour-Bruno-Latour-le-monde-est-peuple-de-fous-et-il-n-y-aura-pas-de-sortie-du
- Article SO : Dordogne ils construisent autrement: https://www.sudouest.fr/2018/05/01/dordogne-ils-construisent-autrement-5020275-1980.php
-La France a réussi la transition ! 2018 : Canéjan est en route !https://www.arte.tv/sites/robin/2018/02/27/2034-france-a-reussi-transition/
-Article : d'un monde à l'autre, l'avenir est difficile. https://www.revuepolitique.be
- Article : ( Février 2018), manger bio, c'est changer d'habitude alimentaire. https://rue89bordeaux.com/
- Article :Et vous, de quelle tribu êtes vous ? https://www.wedemain.fr
- Article ( février 2018) pourquoi les élites de la tech se ruent vers la Nouvelle Zélande. https://www.lesinrocks.com/
- Article ( février 2018): Le syndrome de l'autruche...https://www.franceinter.fr/emissions/la-tete-au-carre/
- Article ( Novembre 2017) : Rob Hopkins " le pessimisme est un luxe qu'on ne peut pas se permettre"
-Article ( juin 2017): Cyril DION " Homme engagé pour aujourd'hui ou pour demain"
-Article ( juin 2017) : Vandana Schiva :" La mondialisation modifie génétiquement l'état"
-Article ( mai 2017) : Pablo Sévigné invite à regarder la catastrophe en face et à passer à l'action
-Article ( mars 2017) : "renoncer progressivement à l'agriculture industrielle" Marine JOBERT (ONU.)
-Article : l'écopsychologie.
-Zéro pesticide, le nouveau guide des solutions,
-Article : "l'effondrement qui vient"de Pablo Sévigné,
-Nouveau scénario de NEGAWATT,
-Article : "La gouvernance des communs empêchera de privatiser l'humain",
-Livre : " Les défricheurs" par Eric Dupin,
-Articles : TAFTA,
-Article : " Festival des utopies concrètes",
-Article : Principe de la MINGA,
-Article : Villes en transition, " penser global,agir local"
-Article : "Permaculture et transition, une seule limite, notre imagination",
-Article : 12 points pour réaliser une" initiative en transition",
-Livre : " Nos voies d'espérance", d' Olivier Le naire,
-Livre : " Nourrir l'Europe en temps de crise" de Pablo Sévigné,
-Vidéo : L'usine et le champ , la réconciliation !
-Article: Vandana Shiva: la mondialisation...
Rob Hopkins : "Le pessimisme est un luxe qu’on ne peut pas se permettre"
Publié le mardi 14 novembre 2017, Entretien .En 2005, il lançait le mouvement des Villes en transition, qui a depuis lors pris une envergure mondiale. Le Britannique Rob Hopkins était de passage en Belgique il y a quelques jours. Une rencontre vivifiante.
Rob Hopkins rêve que l'imagination prenne le pouvoir et qu'elle anime son "mouvement de communautés" vers la "reconstruction du monde". Ainsi définit-il la philosophie de la Transition. Une dynamique des petits pas qui a pour objectif de nous amener à embrasser un autre modèle de société.
Ce mouvement est "ambitieux, audacieux" mais aussi "expérimental, entrepreneurial et tourné vers la recherche de solutions", explique-t-il. Tout citoyen est poussé à se lancer, à essayer, et même à se tromper.
Et ça tombe bien puisque "nous sommes capables de réaliser des choses que ne peuvent faire nos gouvernements parce que nous pouvons prendre des risques sans que cela ne pose problème".
Depuis 2006, plus de 1500 groupes ont rejoint le Réseau Transition dans une cinquantaine de pays. Vous attendiez-vous à un tel succès ?
Et encore, il existe quantité de groupes non inscrits qui appliquent les principes de la Transition. Nous ne pensions pas que cela allait grandir de la sorte, pas même dans notre propre communauté, à Totnes. Mais les gens se sont montrés intéressés et l’idée s’est étendue d’une manière incontrôlable.
Comment expliquez-vous cet élan ?
On a été chanceux d’arriver au bon moment. Devant les nombreux défis qui se posent à nous, nous avons besoin d’une réponse compatissante. A ce moment-là, l'offre se limitait à l’image du « survival ». L’idée de se rassembler pour imaginer ensemble le futur ne faisait pas partie du paysage malgré le fait que beaucoup de gens se sentaient concernés. La Transition s’est glissée dans cet espace, en proposant un modèle que l’on ne maîtrise pas totalement mais qui incite les gens à essayer.
Par ailleurs, certains aiment l’idée d’avoir de l’influence, en particulier lorsqu’ils constatent que le monde ne tourne pas si rond, que les personnes au pouvoir ne savent pas ce qu’elles font et qu’ils font face à un isolement croissant. La Transition a cet avantage qu’elle ne commence pas par une longue liste d’exigences auxquelles il faut se plier pour être impliqué dans le mouvement. Au contraire, il y a énormément de portes d’entrée. Les projets peuvent se faire dans des domaines différents: économie, business, écologie, éducation… Chacun peut venir avec sa passion et trouver d’autres personnes pour l'accompagner dans son projet. « Si vous avez une idée, lancez-vous ! On vous offre le matériel et l’accès au réseau. Le seul engagement de votre part, c’est de raconter votre histoire : tant vos succès que vos échecs. »Cela fonctionne parce que le mouvement est animé par la confiance, la générosité et la croyance que les gens en feront quelque chose de bien. Ca a été pensé pour être mu par un esprit d’auto-organisation et devenir un réseau mondial de personnes partageant leurs manières de faire, sans que l'on ait toutes les réponses.
La Transition fonctionne par essai et erreur ?
Oui. Dans quels domaines se permet-on encore se tromper ? Où encourage-t-on encore la prise de risque ? Certaines initiatives ne fonctionneront pas. Mais celles qui fonctionneront seront fantastiques parce qu’elles seront imaginatives et inattendues.
Vous parlez d'un "mouvement de communautés". Quelle est l’importance du niveau local ?
Devant les grands défis auxquels nous sommes confrontés, du changement climatique à l’épidémie de solitude, on se dit qu’on ne peut rien y faire, parce qu'on les entrevoit dans leur globalité… La perspective change quand on essaie d’agir à l'échelle de nos quartiers. Ce niveau est aussi important parce que chaque localité a ses spécificités. Les initiatives qui y seront prises seront le reflet des personnalités, des cultures, des réalités locales… Il est très excitant d’envisager un système économique différent. Prenez la gestion de la pluie par les forêts : tout circule en un rythme lent. Ce que l’on essaie de faire avec l’argent suit la même logique : trouver des moyens de le faire circuler localement afin de diversifier nos économies et de les rendre plus résilientes et complexes. Le niveau local est le niveau où l’on commence : on se demande "où vais-je dépenser mon argent?" plutôt que de demander à l’Union européenne d’investir des millions d’euros dans nos villes.
La Transition est un mouvement résolument citoyen…
L’exemple de ce qui se passe a Liège est intéressant : le projet d’une ceinture alimentaire autour de la ville a été mis en place par Liège en Transition. Ensuite, les autorités de la ville ont intégré ce projet dans leur programme. A un certain point, il peut être intéressant que le pouvoir politique s’empare de projets mis sur pied et conduits par les citoyens. Le contraire peut être vrai aussi : à Grenoble, c’est le maire, enthousiasmé par le mouvement, qui a demandé comment créer un groupe de Transition. Toutefois, le propre du mouvement, c’est qu’on n’a pas besoin de permission pour se lancer. Il ne faut pas attendre l’accord des dirigeants politiques.
Qu’est-ce qui distingue la Transition de l’écologie ou du développement durable ?
C’est un mouvement que je juge plus profond. Aujourd’hui, la durabilité est un concept un peu fourre-tout, que tout le monde s’est approprié et qui ne signifie plus grand-chose.Il est question de résilience car celle-ci permet de s’adapter aux chocs. C’est une énorme opportunité. Imaginez que pendant trois jours, les camions de marchandises ne puissent plus entrer dans Bruxelles. La ville connaîtrait une pénurie de nourriture. Elle n’a plus de connexion avec les terres de sa périphérie et est donc très vulnérable. Imaginez maintenant que l'on produise de la nourriture en ville et aux alentours, cela nous rendrait plus résistants aux chocs, mais cela présente aussi un extraordinaire potentiel de renaissance économique, culturelle et sociale.« La Transition, ce n’est pas seulement des panneaux solaires et des carottes, c’est comment on fonctionne ensemble et construisons notre propre résilience.»
Nous avons besoin de construire une nouvelle économie et pour cela, il faut aussi pouvoir sortir d’un fonctionnement exclusivement bénévole. Nous devons créer du business et du travail. Et c’est un point avec lequel les mouvements écologistes se sentent un peu mal à l’aise. On se distingue d'une pure initiative écologique de gauche. Le mouvement de la Transition ne s’inscrit pas dans le spectre politique: il attire les progressistes comme les conservateurs autour de la manière de faire de ce monde un lieu prospère, de diversifier nos économies.
Pensez-vous que cela mènera à un changement radical de système ?
La seule chose qui peut garantir la survie humaine sur cette planète, c’est, précisément, un changement radical. Nous sommes sûrs d’une chose : le statu quo n’est pas une option. On doit stabiliser la hausse de la température moyenne mondiale à 1,5C°. Nous en sommes pourtant loin. Nous avons donc besoin de réflexions radicales et pas seulement de solutions « intelligentes » que les grandes compagnies nous proposent, comme les voitures électriques.
A Liège, par exemple, on propose un modèle complètement différent qui changerait la manière dont fonctionne l’économie.
Quels choix avons-nous aujourd’hui face aux défis climatique, sociaux et économiques ? Certains craignent l’effondrement, jusqu’à la paralysie. D’autres sont encore optimistes…
L’effondrement est une possibilité. Et c’est déjà une réalité dans certaines parties du monde. Mais si on déclare que tout va s’effondrer et que ce sera terrible, les gens se découragent alors que c’est précisément à ce moment-là qu’on a besoin d’imagination et de capacité d’adaptation. C’est ça qui nous permettra d’en sortir. Comment peut-on aider les personnes autour de nous à faire preuve de résilience, d'adaptabilité, de créativité, c’est ça, la question. Le pessimisme est un luxe qu’on ne peut pas se permettre. On peut juste se permettre de se retrousser les manches. « Les générations qui nous suivent regarderont certainement en arrière en se disant que nous avons vécu la plus grande faillite de l’imagination de l’histoire de l’humanité. » Il y avait, dès le départ, une solution au problème du changement climatique… Mais cela nécessitait un changement d’histoire et de narratif sur l’idée qu’on se faisait du futur : une société qui aurait été capable d’assurer que le business serve l’humain et la nature et non l’inverse. Le fait d’avoir laissé le business devenir si puissant nous a poussés au bord de l’éradication de notre propre espèce. Juste parce qu’on n'avait pas la capacité d’imaginer autre chose.
Avez-vous entendu dire du mouvement qu'il est « un retour en arrière » ?
Tout le temps ! Il vient de personnes qui passent spectaculairement à côté du message et de l'objectif. Au contraire, continuer à faire ce que nous faisons est un retour en arrière. C’est ce que l’on voit à Porto Rico : à cause des tempêtes, il n’y a plus d’électricité, plus d’eau, nulle part où vivre. Il est important de trouver une manière d’avancer qui corresponde aux défis de notre époque et qui donne de la perspective, un but vers lequel tendre.
En Alsace, ils ont remplacé le bus scolaire par un cheval et une carriole. Un homme trouvait ça un peu « too much », ça lui donnait un sentiment de retour en arrière. Pourtant, les enfants vivaient un moment magique. Pourquoi lie-t-on une société dépourvue de carbone à un retour en arrière ?
En Belgique, on a parfois le sentiment que les choses sont figées. Qu’avez-vous pu y observer ?
En Belgique, le nombre de groupes en Transition a triplé en deux ans et les initiatives qu'ils prennent sont ambitieuses, que ce soit des potagers et des jardins en pleine ville ou la ceinture alimentaire de Liège. Le groupe Liège en Transition a ainsi recréé le lien avec les exploitations agricoles qui entourent la ville. De nouvelles fermes ont par la même occasion vu le jour, au même titre que des magasins dans la ville, on a construit une brasserie, etc... Certaines localités proposent de leur côté d'expérimenter des monnaies alternatives. Le groupe qui supporte la Transition (le « hub ») est par ailleurs très efficace. La Belgique est un des pays où le mouvement de la Transition est le plus excitant.
Quels conseils donneriez-vous à celui ou celle qui souhaiterait se lancer ?
Rendez-vous sur le site internet de Transition Belgique. Si un groupe existe près de chez vous, allez-y ! Regardez comment vous pouvez aider. Sinon, il existe un guide gratuit en ligne pour initier la Transition. Le Hub belge organise une formation de deux jours très complète. Essayez petit, quelque chose que vous vous sentez capable de faire. On a besoin de pas progressifs. Donc, faites le premier pas !
Entretien : Valentine Van Vyve
Publié le mardi 14 novembre 2017, Entretien .En 2005, il lançait le mouvement des Villes en transition, qui a depuis lors pris une envergure mondiale. Le Britannique Rob Hopkins était de passage en Belgique il y a quelques jours. Une rencontre vivifiante.
Rob Hopkins rêve que l'imagination prenne le pouvoir et qu'elle anime son "mouvement de communautés" vers la "reconstruction du monde". Ainsi définit-il la philosophie de la Transition. Une dynamique des petits pas qui a pour objectif de nous amener à embrasser un autre modèle de société.
Ce mouvement est "ambitieux, audacieux" mais aussi "expérimental, entrepreneurial et tourné vers la recherche de solutions", explique-t-il. Tout citoyen est poussé à se lancer, à essayer, et même à se tromper.
Et ça tombe bien puisque "nous sommes capables de réaliser des choses que ne peuvent faire nos gouvernements parce que nous pouvons prendre des risques sans que cela ne pose problème".
Depuis 2006, plus de 1500 groupes ont rejoint le Réseau Transition dans une cinquantaine de pays. Vous attendiez-vous à un tel succès ?
Et encore, il existe quantité de groupes non inscrits qui appliquent les principes de la Transition. Nous ne pensions pas que cela allait grandir de la sorte, pas même dans notre propre communauté, à Totnes. Mais les gens se sont montrés intéressés et l’idée s’est étendue d’une manière incontrôlable.
Comment expliquez-vous cet élan ?
On a été chanceux d’arriver au bon moment. Devant les nombreux défis qui se posent à nous, nous avons besoin d’une réponse compatissante. A ce moment-là, l'offre se limitait à l’image du « survival ». L’idée de se rassembler pour imaginer ensemble le futur ne faisait pas partie du paysage malgré le fait que beaucoup de gens se sentaient concernés. La Transition s’est glissée dans cet espace, en proposant un modèle que l’on ne maîtrise pas totalement mais qui incite les gens à essayer.
Par ailleurs, certains aiment l’idée d’avoir de l’influence, en particulier lorsqu’ils constatent que le monde ne tourne pas si rond, que les personnes au pouvoir ne savent pas ce qu’elles font et qu’ils font face à un isolement croissant. La Transition a cet avantage qu’elle ne commence pas par une longue liste d’exigences auxquelles il faut se plier pour être impliqué dans le mouvement. Au contraire, il y a énormément de portes d’entrée. Les projets peuvent se faire dans des domaines différents: économie, business, écologie, éducation… Chacun peut venir avec sa passion et trouver d’autres personnes pour l'accompagner dans son projet. « Si vous avez une idée, lancez-vous ! On vous offre le matériel et l’accès au réseau. Le seul engagement de votre part, c’est de raconter votre histoire : tant vos succès que vos échecs. »Cela fonctionne parce que le mouvement est animé par la confiance, la générosité et la croyance que les gens en feront quelque chose de bien. Ca a été pensé pour être mu par un esprit d’auto-organisation et devenir un réseau mondial de personnes partageant leurs manières de faire, sans que l'on ait toutes les réponses.
La Transition fonctionne par essai et erreur ?
Oui. Dans quels domaines se permet-on encore se tromper ? Où encourage-t-on encore la prise de risque ? Certaines initiatives ne fonctionneront pas. Mais celles qui fonctionneront seront fantastiques parce qu’elles seront imaginatives et inattendues.
Vous parlez d'un "mouvement de communautés". Quelle est l’importance du niveau local ?
Devant les grands défis auxquels nous sommes confrontés, du changement climatique à l’épidémie de solitude, on se dit qu’on ne peut rien y faire, parce qu'on les entrevoit dans leur globalité… La perspective change quand on essaie d’agir à l'échelle de nos quartiers. Ce niveau est aussi important parce que chaque localité a ses spécificités. Les initiatives qui y seront prises seront le reflet des personnalités, des cultures, des réalités locales… Il est très excitant d’envisager un système économique différent. Prenez la gestion de la pluie par les forêts : tout circule en un rythme lent. Ce que l’on essaie de faire avec l’argent suit la même logique : trouver des moyens de le faire circuler localement afin de diversifier nos économies et de les rendre plus résilientes et complexes. Le niveau local est le niveau où l’on commence : on se demande "où vais-je dépenser mon argent?" plutôt que de demander à l’Union européenne d’investir des millions d’euros dans nos villes.
La Transition est un mouvement résolument citoyen…
L’exemple de ce qui se passe a Liège est intéressant : le projet d’une ceinture alimentaire autour de la ville a été mis en place par Liège en Transition. Ensuite, les autorités de la ville ont intégré ce projet dans leur programme. A un certain point, il peut être intéressant que le pouvoir politique s’empare de projets mis sur pied et conduits par les citoyens. Le contraire peut être vrai aussi : à Grenoble, c’est le maire, enthousiasmé par le mouvement, qui a demandé comment créer un groupe de Transition. Toutefois, le propre du mouvement, c’est qu’on n’a pas besoin de permission pour se lancer. Il ne faut pas attendre l’accord des dirigeants politiques.
Qu’est-ce qui distingue la Transition de l’écologie ou du développement durable ?
C’est un mouvement que je juge plus profond. Aujourd’hui, la durabilité est un concept un peu fourre-tout, que tout le monde s’est approprié et qui ne signifie plus grand-chose.Il est question de résilience car celle-ci permet de s’adapter aux chocs. C’est une énorme opportunité. Imaginez que pendant trois jours, les camions de marchandises ne puissent plus entrer dans Bruxelles. La ville connaîtrait une pénurie de nourriture. Elle n’a plus de connexion avec les terres de sa périphérie et est donc très vulnérable. Imaginez maintenant que l'on produise de la nourriture en ville et aux alentours, cela nous rendrait plus résistants aux chocs, mais cela présente aussi un extraordinaire potentiel de renaissance économique, culturelle et sociale.« La Transition, ce n’est pas seulement des panneaux solaires et des carottes, c’est comment on fonctionne ensemble et construisons notre propre résilience.»
Nous avons besoin de construire une nouvelle économie et pour cela, il faut aussi pouvoir sortir d’un fonctionnement exclusivement bénévole. Nous devons créer du business et du travail. Et c’est un point avec lequel les mouvements écologistes se sentent un peu mal à l’aise. On se distingue d'une pure initiative écologique de gauche. Le mouvement de la Transition ne s’inscrit pas dans le spectre politique: il attire les progressistes comme les conservateurs autour de la manière de faire de ce monde un lieu prospère, de diversifier nos économies.
Pensez-vous que cela mènera à un changement radical de système ?
La seule chose qui peut garantir la survie humaine sur cette planète, c’est, précisément, un changement radical. Nous sommes sûrs d’une chose : le statu quo n’est pas une option. On doit stabiliser la hausse de la température moyenne mondiale à 1,5C°. Nous en sommes pourtant loin. Nous avons donc besoin de réflexions radicales et pas seulement de solutions « intelligentes » que les grandes compagnies nous proposent, comme les voitures électriques.
A Liège, par exemple, on propose un modèle complètement différent qui changerait la manière dont fonctionne l’économie.
Quels choix avons-nous aujourd’hui face aux défis climatique, sociaux et économiques ? Certains craignent l’effondrement, jusqu’à la paralysie. D’autres sont encore optimistes…
L’effondrement est une possibilité. Et c’est déjà une réalité dans certaines parties du monde. Mais si on déclare que tout va s’effondrer et que ce sera terrible, les gens se découragent alors que c’est précisément à ce moment-là qu’on a besoin d’imagination et de capacité d’adaptation. C’est ça qui nous permettra d’en sortir. Comment peut-on aider les personnes autour de nous à faire preuve de résilience, d'adaptabilité, de créativité, c’est ça, la question. Le pessimisme est un luxe qu’on ne peut pas se permettre. On peut juste se permettre de se retrousser les manches. « Les générations qui nous suivent regarderont certainement en arrière en se disant que nous avons vécu la plus grande faillite de l’imagination de l’histoire de l’humanité. » Il y avait, dès le départ, une solution au problème du changement climatique… Mais cela nécessitait un changement d’histoire et de narratif sur l’idée qu’on se faisait du futur : une société qui aurait été capable d’assurer que le business serve l’humain et la nature et non l’inverse. Le fait d’avoir laissé le business devenir si puissant nous a poussés au bord de l’éradication de notre propre espèce. Juste parce qu’on n'avait pas la capacité d’imaginer autre chose.
Avez-vous entendu dire du mouvement qu'il est « un retour en arrière » ?
Tout le temps ! Il vient de personnes qui passent spectaculairement à côté du message et de l'objectif. Au contraire, continuer à faire ce que nous faisons est un retour en arrière. C’est ce que l’on voit à Porto Rico : à cause des tempêtes, il n’y a plus d’électricité, plus d’eau, nulle part où vivre. Il est important de trouver une manière d’avancer qui corresponde aux défis de notre époque et qui donne de la perspective, un but vers lequel tendre.
En Alsace, ils ont remplacé le bus scolaire par un cheval et une carriole. Un homme trouvait ça un peu « too much », ça lui donnait un sentiment de retour en arrière. Pourtant, les enfants vivaient un moment magique. Pourquoi lie-t-on une société dépourvue de carbone à un retour en arrière ?
En Belgique, on a parfois le sentiment que les choses sont figées. Qu’avez-vous pu y observer ?
En Belgique, le nombre de groupes en Transition a triplé en deux ans et les initiatives qu'ils prennent sont ambitieuses, que ce soit des potagers et des jardins en pleine ville ou la ceinture alimentaire de Liège. Le groupe Liège en Transition a ainsi recréé le lien avec les exploitations agricoles qui entourent la ville. De nouvelles fermes ont par la même occasion vu le jour, au même titre que des magasins dans la ville, on a construit une brasserie, etc... Certaines localités proposent de leur côté d'expérimenter des monnaies alternatives. Le groupe qui supporte la Transition (le « hub ») est par ailleurs très efficace. La Belgique est un des pays où le mouvement de la Transition est le plus excitant.
Quels conseils donneriez-vous à celui ou celle qui souhaiterait se lancer ?
Rendez-vous sur le site internet de Transition Belgique. Si un groupe existe près de chez vous, allez-y ! Regardez comment vous pouvez aider. Sinon, il existe un guide gratuit en ligne pour initier la Transition. Le Hub belge organise une formation de deux jours très complète. Essayez petit, quelque chose que vous vous sentez capable de faire. On a besoin de pas progressifs. Donc, faites le premier pas !
Entretien : Valentine Van Vyve
Rencontre avec Cyril Dion « Homme engagé pour aujourd’hui ou pour demain. »Propos recueillis par Jacky Durand (Soleil levant, mensuel gratuit de juin 2017)
Cyril Dion crée avec Pierre Rabhi et quelques amis le Mouvement Colibris qu’il dirige jusqu’en juillet 2013. Il en est encore porte-parole et membre du cercle de pilotage. En 2012 il cofonde le magazine Kaizen et la collection « Domaine du Possible » aux éditions Actes Sud, qu’il dirige toujours avec Jean-Paul Capitani. Il écrit et co-réalise avec Mélanie Laurent le film documentaire “Demain”, qui sort au cinéma en 2015. Demain remporte plusieurs prix dont le César du meilleur film documentaire en 2016 et rencontre un large succès.
Bonjour Cyril merci de prendre du temps pour Soleil-levant.Je te rencontre dans le cadre de la tournée du chant des colibris, à Marseille.
Peux-tu nous donner les grandes lignes de cette tournée, de cet engagement citoyen ? C’est une campagne lancée au mois de mars, on voulait être à mi-chemin entre les élections présidentielles et législatives, pour dire que la politique, la démocratie, changer la société ce n’est pas seulement aller voter, c’est aussi tous les jours. Aujourd’hui, la situation est tellement grave, on a besoin de tous s’y mettre, entrepreneurs, citoyens, élus. On a besoin de travailler ensemble.
Dans cette campagne on fait essentiellement deux choses. On fait de la pédagogie, on vulgarise un certain nombre de sujets qui nous semblent importants, notamment des sujets qui impliquent la coopération entre les élus et les citoyens. On propose des formations en ligne, sur la politique agricole commune, la démocratie participative et délibérative, le revenu de base.On pense que plus ces sujets-là vont infuser, plus demain, un grand nombre de personnes va attendre des politiques qu’ils agissent sur ces sujets.La deuxième chose que l’on fait c’est la mobilisation. C’est la tournée de concerts, on en est à notre 5ème date.Le but c’est à la fois de mettre en relation des pionniers, c’est à dire des gens qui font déjà des choses formidables, avec les locaux ; et aussi, grâce aux artistes, toucher à un public plus large et offrir un moment de communion où on est ensemble.Où on se sent ensemble…
Je trouve cela superbe, depuis longtemps je pense que les artistes de par leur notoriété peuvent faire beaucoup puisque ils ont accès aux médias qui sont bridés, tenus par les gens qui ont de l’argent et qui veulent bien faire passer ce qu’ils veulent. Nous on voit avec les colibris qu’il y a un lectorat, d’où l’importance de changer de culture. On a besoin de changer notre représentation du monde, de changer notre façon de lire, plus la demande sera là, plus l’offre sera obligée de s’aligner, il est important de continuer à diffuser ces informations par capillarité, par le bouche à oreille et par des mouvements organiques, et à des moments, le soutien des artistes peut être une aide significative, il y a dix ans les artistes n’étaient pas touchés par ce sujet-là, donc on voit que ça évolue.
Si je comprends bien, c’est le nombre qui pourra faire pression sur les politiques.C’est le nombre qui fera que la société se recomposera, que les entreprises changeront d’orientation, que les responsables politiques changeront leurs programmes car ils sauront que s’ils ne changent pas personne ne votera pour eux.
Donc on a intérêt à faire grandir la masse des personnes qui se reconnaissent dans ces valeurs.Le nouveau président n’a pas pour priorité l’écologie, alors on voit que le bulletin dans l’urne c’est une chose, mais ce n’est pas suffisant.Oui les plateformes que l’on propose « Parlement et Citoyen » permettent au citoyen de travailler avec les parlementaires pour élaborer les lois, c’est fondamental.
Aujourd’hui si on ne se mobilise pas à la fois contre des lois qui sont liberticides, si on n’essaie pas de favoriser des lois qui accéléreraient la transition de manière importante, typiquement la fiscalité énergétique, la réforme de la politique agricole commune, la libération de la création monétaire, et la lutte contre les paradis fiscaux, on sait très bien qu’on a peu de chance d’y arriver dans les temps. On n’a qu’une vingtaine d’années pour réagir. Donc, en plus des actes du quotidien et des initiatives que l’on peut prendre, ça va devenir crucial d’être des millions à se mobiliser, pour faire pression sur les politiques ou pour les remplacer.Il existe le mouvement « Ma Voix » qui veut envoyer des citoyens à l’Assemblée Nationale, députés qui resteront en relation avec les citoyens et les consulteront. Les citoyens diront, il y a une loi, on vous demande de la soutenir ou l’inverse, de vous y opposer… Ces passerelles-là sont la vraie démocratie.Si on n’entre pas dans une forme de coopération et de dialogue, il ne faut pas que les politiques passent en force, ni que les citoyens s’opposent systématiquement, il faut créer un espace où l’on travaille ensemble !Pour l’instant cela n’existe pas, il est nécessaire de le créer !Il y a des propositions pour réformer la constitution, il faut trouver des lieux pour dialoguer et travailler ensemble.
L’éducation a de nouvelles valeurs, il y a une réforme à faire…Bien sûr, parce que l’une des plus grandes empreintes finalement de la société est que chacun soit un soldat et que l’école nous accompagne pour nous conformer, plutôt que de nous aider à découvrir qui nous sommes dans notre singularité, et faire en sorte de développer nos talents même si on ne rentre pas dans une case.Le modèle éducatif ne tient pas compte de cette diversité. Les enfants ont besoin de libérer leur créativité, il ne faut pas leur donner l’impression qu’ils sont nuls. Dans le système actuel, il n’y a qu’une façon d’apprendre alors qu’on sait qu’il y a dix formes d’intelligence, les élèves se retrouvent assis pendant huit heures…Or chaque élève est différent, il faut plus d’enseignants et moins d’élèves par classe.Les enseignants ont un autre travail, ils doivent créer des situations d’apprentissage, par des livres, par des amis, par le professeur, apprendre en faisant. De cette façon on se donne le plus de chances possibles pour trouver son mode de fonctionnement. Et quand on a compris comment on fonctionne cela aide grandement.A une époque, je faisais des interviews pour Kaizen, un magazine qu’on a lancé il y a 5 ans. Je rencontrais des personnes qui faisaient l’école à la maison, les gens me disaient : « les enfants apprennent seuls », j’étais sceptique, et ils me rétorquaient :« est-ce que quelqu’un vous a appris à parler, est-ce que quelqu’un vous a appris à marcher ?Avez-vous eu un professeur de marche ? »
Des études montrent que les zones du cerveau de la mémoire ne s’activent que si on est intéressé et qu’on trouve du sens à ce que l’on fait. D’où la nécessité d’avoir des méthodes pédagogiques variées, adaptées à la diversité des enfants.Combien d’élèves ne comprennent pas les fractions, qui sont une partie d’un ensemble ? Si vous prenez des pailles et que vous expliquez ce qu’est une fraction avec ces pailles, vous avez des objets dans les mains, vous comprenez donc le principe de ce que représente une partie du tout : une fraction.Si vous vous cantonnez à la fraction mathématique, certains élèves vont passer une partie de leur scolarité à ne pas comprendre, à penser qu’ils sont nuls, à développer une basse estime d’eux-mêmes, et à ne pas mobiliser en eux la confiance et la créativité nécessaires pour construire une société nouvelle.
Tu es directeur de collection chez Actes Sud, peux-tu nous en parler ? C’est une collection crée avec Jean-Paul Capitani en 2011. On voulait que ces livres soient à la fois théoriques et pratiques on voulait publier des gens qui aient une pensée différente. Que cette pensée ait été mise en pratique et ait fait la preuve de sa pertinence par l’action. Par exemple, on va publier un livre sur l’économie symbiotique et on a une pensée de l’économie différente, sans cesse illustrée par des exemples mis en place, l’économie du partage, circulaire, de fonctionnalité ; c’est une synthèse de ces expérience qui devient une théorie.A contrario on a un autre livre « Ces maires qui pourraient changer le monde »… on a regardé comment dans les communes les élus avaient fait des choses exceptionnelles et ce que l’on pouvait en tirer.Aujourd’hui la démocratie, ça pourrait être plutôt une forme de municipalisme qui s’organise en réseau plutôt que dans des grandes structures centralisées… on trouve que l’échelle de la ville ou de l’agglomération est particulièrement intéressante.
Dans une interview récente, tu as dit que la question spirituelle te taraudait ?J’espère que ça taraude tous les êtres humains… Pour moi la spiritualité c’est comprendre le sens de ce que l’on fait sur cette planète, est ce qu’il y a une forme d’intelligence qui organise la nature, qui nous relie les uns aux autres, y a-t-il une vie après la mort ?
Tout cela me paraît des questions fondamentales. On sait qu’on va mourir et on sait qu’on a une conscience. Pour moi on vit une sorte de crise spirituelle car on a perdu le sens de notre existence. On voit beaucoup de gens qui sont dans une désespérance car ils ont l’impression que leur vie se résume à travailler aller à l’école, avoir un travail pour consommer et puis le week-end se divertir, consommer, regarder la télé, faire du shopping.
Ce serait terriblement triste de se dire que la vie a créé pendant des millions d’années, tout ça pour aboutir à un être dont le seul but est d’aller au supermarché.Le fait de se connaitre soi-même, de trouver harmonie et équilibre, de donner du sens à sa trajectoire très courte de son existence est pour moi une recherche spirituelle.
Pierre Rabhi s’est exprimé ce matin et a dit « au bout du bout il n’y a que l’amour ».Quelqu’un qui aime ne va pas partir en guerre, il va réfléchir à ce qu’il consomme…L’amour et la peur sont deux choses qui nous font agir. Bien travailler à l’école de peur de ne pas avoir de métier, prendre un métier qu’on n’aime pas de peur de ne pas avoir d’argent…L’adage populaire nous dit que « la peur est mauvaise conseillère »…Faire les choses par amour oui !
Passer sa journée avec des gens qu’on n’aime pas, par peur d’être seul, ou passer votre journée avec vos amis, c’est quand même pas pareil. Rester en couple par peur de divorcer, ou exprimer, faire grandir l’amour pendant des années, ce n’est pas la même vie !Si vous faites un métier par peur de manquer ou un métier passion ce n’est le même résultat !Chercher à faire des choses par amour c’est ce dont nous avons besoin.
Oui évidemment si on devait garder qu’une seule chose, ça serait ça… faire les choses par amour.
Infos : www.cyrildion.com www.lechantdescolibris.fr
Cyril Dion crée avec Pierre Rabhi et quelques amis le Mouvement Colibris qu’il dirige jusqu’en juillet 2013. Il en est encore porte-parole et membre du cercle de pilotage. En 2012 il cofonde le magazine Kaizen et la collection « Domaine du Possible » aux éditions Actes Sud, qu’il dirige toujours avec Jean-Paul Capitani. Il écrit et co-réalise avec Mélanie Laurent le film documentaire “Demain”, qui sort au cinéma en 2015. Demain remporte plusieurs prix dont le César du meilleur film documentaire en 2016 et rencontre un large succès.
Bonjour Cyril merci de prendre du temps pour Soleil-levant.Je te rencontre dans le cadre de la tournée du chant des colibris, à Marseille.
Peux-tu nous donner les grandes lignes de cette tournée, de cet engagement citoyen ? C’est une campagne lancée au mois de mars, on voulait être à mi-chemin entre les élections présidentielles et législatives, pour dire que la politique, la démocratie, changer la société ce n’est pas seulement aller voter, c’est aussi tous les jours. Aujourd’hui, la situation est tellement grave, on a besoin de tous s’y mettre, entrepreneurs, citoyens, élus. On a besoin de travailler ensemble.
Dans cette campagne on fait essentiellement deux choses. On fait de la pédagogie, on vulgarise un certain nombre de sujets qui nous semblent importants, notamment des sujets qui impliquent la coopération entre les élus et les citoyens. On propose des formations en ligne, sur la politique agricole commune, la démocratie participative et délibérative, le revenu de base.On pense que plus ces sujets-là vont infuser, plus demain, un grand nombre de personnes va attendre des politiques qu’ils agissent sur ces sujets.La deuxième chose que l’on fait c’est la mobilisation. C’est la tournée de concerts, on en est à notre 5ème date.Le but c’est à la fois de mettre en relation des pionniers, c’est à dire des gens qui font déjà des choses formidables, avec les locaux ; et aussi, grâce aux artistes, toucher à un public plus large et offrir un moment de communion où on est ensemble.Où on se sent ensemble…
Je trouve cela superbe, depuis longtemps je pense que les artistes de par leur notoriété peuvent faire beaucoup puisque ils ont accès aux médias qui sont bridés, tenus par les gens qui ont de l’argent et qui veulent bien faire passer ce qu’ils veulent. Nous on voit avec les colibris qu’il y a un lectorat, d’où l’importance de changer de culture. On a besoin de changer notre représentation du monde, de changer notre façon de lire, plus la demande sera là, plus l’offre sera obligée de s’aligner, il est important de continuer à diffuser ces informations par capillarité, par le bouche à oreille et par des mouvements organiques, et à des moments, le soutien des artistes peut être une aide significative, il y a dix ans les artistes n’étaient pas touchés par ce sujet-là, donc on voit que ça évolue.
Si je comprends bien, c’est le nombre qui pourra faire pression sur les politiques.C’est le nombre qui fera que la société se recomposera, que les entreprises changeront d’orientation, que les responsables politiques changeront leurs programmes car ils sauront que s’ils ne changent pas personne ne votera pour eux.
Donc on a intérêt à faire grandir la masse des personnes qui se reconnaissent dans ces valeurs.Le nouveau président n’a pas pour priorité l’écologie, alors on voit que le bulletin dans l’urne c’est une chose, mais ce n’est pas suffisant.Oui les plateformes que l’on propose « Parlement et Citoyen » permettent au citoyen de travailler avec les parlementaires pour élaborer les lois, c’est fondamental.
Aujourd’hui si on ne se mobilise pas à la fois contre des lois qui sont liberticides, si on n’essaie pas de favoriser des lois qui accéléreraient la transition de manière importante, typiquement la fiscalité énergétique, la réforme de la politique agricole commune, la libération de la création monétaire, et la lutte contre les paradis fiscaux, on sait très bien qu’on a peu de chance d’y arriver dans les temps. On n’a qu’une vingtaine d’années pour réagir. Donc, en plus des actes du quotidien et des initiatives que l’on peut prendre, ça va devenir crucial d’être des millions à se mobiliser, pour faire pression sur les politiques ou pour les remplacer.Il existe le mouvement « Ma Voix » qui veut envoyer des citoyens à l’Assemblée Nationale, députés qui resteront en relation avec les citoyens et les consulteront. Les citoyens diront, il y a une loi, on vous demande de la soutenir ou l’inverse, de vous y opposer… Ces passerelles-là sont la vraie démocratie.Si on n’entre pas dans une forme de coopération et de dialogue, il ne faut pas que les politiques passent en force, ni que les citoyens s’opposent systématiquement, il faut créer un espace où l’on travaille ensemble !Pour l’instant cela n’existe pas, il est nécessaire de le créer !Il y a des propositions pour réformer la constitution, il faut trouver des lieux pour dialoguer et travailler ensemble.
L’éducation a de nouvelles valeurs, il y a une réforme à faire…Bien sûr, parce que l’une des plus grandes empreintes finalement de la société est que chacun soit un soldat et que l’école nous accompagne pour nous conformer, plutôt que de nous aider à découvrir qui nous sommes dans notre singularité, et faire en sorte de développer nos talents même si on ne rentre pas dans une case.Le modèle éducatif ne tient pas compte de cette diversité. Les enfants ont besoin de libérer leur créativité, il ne faut pas leur donner l’impression qu’ils sont nuls. Dans le système actuel, il n’y a qu’une façon d’apprendre alors qu’on sait qu’il y a dix formes d’intelligence, les élèves se retrouvent assis pendant huit heures…Or chaque élève est différent, il faut plus d’enseignants et moins d’élèves par classe.Les enseignants ont un autre travail, ils doivent créer des situations d’apprentissage, par des livres, par des amis, par le professeur, apprendre en faisant. De cette façon on se donne le plus de chances possibles pour trouver son mode de fonctionnement. Et quand on a compris comment on fonctionne cela aide grandement.A une époque, je faisais des interviews pour Kaizen, un magazine qu’on a lancé il y a 5 ans. Je rencontrais des personnes qui faisaient l’école à la maison, les gens me disaient : « les enfants apprennent seuls », j’étais sceptique, et ils me rétorquaient :« est-ce que quelqu’un vous a appris à parler, est-ce que quelqu’un vous a appris à marcher ?Avez-vous eu un professeur de marche ? »
Des études montrent que les zones du cerveau de la mémoire ne s’activent que si on est intéressé et qu’on trouve du sens à ce que l’on fait. D’où la nécessité d’avoir des méthodes pédagogiques variées, adaptées à la diversité des enfants.Combien d’élèves ne comprennent pas les fractions, qui sont une partie d’un ensemble ? Si vous prenez des pailles et que vous expliquez ce qu’est une fraction avec ces pailles, vous avez des objets dans les mains, vous comprenez donc le principe de ce que représente une partie du tout : une fraction.Si vous vous cantonnez à la fraction mathématique, certains élèves vont passer une partie de leur scolarité à ne pas comprendre, à penser qu’ils sont nuls, à développer une basse estime d’eux-mêmes, et à ne pas mobiliser en eux la confiance et la créativité nécessaires pour construire une société nouvelle.
Tu es directeur de collection chez Actes Sud, peux-tu nous en parler ? C’est une collection crée avec Jean-Paul Capitani en 2011. On voulait que ces livres soient à la fois théoriques et pratiques on voulait publier des gens qui aient une pensée différente. Que cette pensée ait été mise en pratique et ait fait la preuve de sa pertinence par l’action. Par exemple, on va publier un livre sur l’économie symbiotique et on a une pensée de l’économie différente, sans cesse illustrée par des exemples mis en place, l’économie du partage, circulaire, de fonctionnalité ; c’est une synthèse de ces expérience qui devient une théorie.A contrario on a un autre livre « Ces maires qui pourraient changer le monde »… on a regardé comment dans les communes les élus avaient fait des choses exceptionnelles et ce que l’on pouvait en tirer.Aujourd’hui la démocratie, ça pourrait être plutôt une forme de municipalisme qui s’organise en réseau plutôt que dans des grandes structures centralisées… on trouve que l’échelle de la ville ou de l’agglomération est particulièrement intéressante.
Dans une interview récente, tu as dit que la question spirituelle te taraudait ?J’espère que ça taraude tous les êtres humains… Pour moi la spiritualité c’est comprendre le sens de ce que l’on fait sur cette planète, est ce qu’il y a une forme d’intelligence qui organise la nature, qui nous relie les uns aux autres, y a-t-il une vie après la mort ?
Tout cela me paraît des questions fondamentales. On sait qu’on va mourir et on sait qu’on a une conscience. Pour moi on vit une sorte de crise spirituelle car on a perdu le sens de notre existence. On voit beaucoup de gens qui sont dans une désespérance car ils ont l’impression que leur vie se résume à travailler aller à l’école, avoir un travail pour consommer et puis le week-end se divertir, consommer, regarder la télé, faire du shopping.
Ce serait terriblement triste de se dire que la vie a créé pendant des millions d’années, tout ça pour aboutir à un être dont le seul but est d’aller au supermarché.Le fait de se connaitre soi-même, de trouver harmonie et équilibre, de donner du sens à sa trajectoire très courte de son existence est pour moi une recherche spirituelle.
Pierre Rabhi s’est exprimé ce matin et a dit « au bout du bout il n’y a que l’amour ».Quelqu’un qui aime ne va pas partir en guerre, il va réfléchir à ce qu’il consomme…L’amour et la peur sont deux choses qui nous font agir. Bien travailler à l’école de peur de ne pas avoir de métier, prendre un métier qu’on n’aime pas de peur de ne pas avoir d’argent…L’adage populaire nous dit que « la peur est mauvaise conseillère »…Faire les choses par amour oui !
Passer sa journée avec des gens qu’on n’aime pas, par peur d’être seul, ou passer votre journée avec vos amis, c’est quand même pas pareil. Rester en couple par peur de divorcer, ou exprimer, faire grandir l’amour pendant des années, ce n’est pas la même vie !Si vous faites un métier par peur de manquer ou un métier passion ce n’est le même résultat !Chercher à faire des choses par amour c’est ce dont nous avons besoin.
Oui évidemment si on devait garder qu’une seule chose, ça serait ça… faire les choses par amour.
Infos : www.cyrildion.com www.lechantdescolibris.fr
Vandana Shiva : «La mondialisation modifie génétiquement l’Etat»
Par Coralie Schaub, — 11 juin 2017 à 19:56
http://www.liberation.fr/futurs/2017/06/11/vandana-shiva-la-mondialisation-modifie-genetiquement-l-etat_1576052Pour l’écologiste Vandana Shiva, la guerre des matières premières en Inde est l’un des symboles de l’emprise des multinationales, au détriment des populations et de l’environnement.
L’écologiste indienne Vandana Shiva était samedi au festival We Love Green, à Paris, pour parler de la guerre des matières premières qui fait rage en Inde dans l’indifférence générale. Dans le centre-est du pays, riche en ressources convoitées par les géants de l’industrie (fer, charbon, alu, or…), les populations tribales sont prises en étau entre les paramilitaires qui soutiennent les intérêts des industriels et les rebelles maoïstes. Le conflit a déjà fait des milliers de morts, des dizaines de milliers de déplacés et touche un tiers de l’Inde. Il est au cœur de la glaçante enquête de Lionel Astruc, Traque verte (du nom de l’opération visant à exproprier les populations, lancée en 2009), qui vient de paraître chez Actes Sud. Pour Shiva, qui en signe la postface, il s’agit là d’un enjeu universel.
Quelle est la situation, aujourd'hui ?
Le conflit s’intensifie. Les tactiques utilisées par les paramilitaires sont celles d’une guerre : tortures, pillages, viols, villages brûlés, meurtres… Chaque journaliste qui écrit la vérité sur ce qui se passe est arrêté ou disparaît. Chaque avocat ou observateur qui va dans la région est expulsé ou emprisonné. Le conflit est rendu invisible.
D’où vient-il ?
Il est le résultat de la mondialisation. Après la création de l’Organisation mondiale du commerce, en 1995, notre réglementation minière a été assouplie et les multinationales ont cherché à s’accaparer les ressources. Mais sur les terres convoitées vivent des tribus que même l’empire britannique n’a pas réussi à soumettre. En 1996, elles ont obtenu que la loi indienne leur accorde le droit à l’autodétermination. Elles ont exercé ce droit pendant trois ans. La démocratie a fonctionné, mais elle entravait l’économie de l’avidité. Quand on a violé leurs droits en leur imposant des mines, les villageois ont protesté pacifiquement, mais ils ont été jetés en prison. La mondialisation, c’est la loi des multinationales, elle modifie génétiquement l’Etat : il ne représente plus les intérêts des citoyens mais ceux des sociétés mondialisées. L’Etat-entreprise finit par se militariser pour servir les intérêts privés. C’est la mort de la démocratie. Cela se passe partout, mais le conflit qui en découle en Inde est l’un des plus violents. Les gens ne voient que les 7 % de croissance du pays, pas d’où elle vient.
Le Premier ministre, Narendra Modi, dit se soucier de l’environnement…
Il a gelé les activités de milliers d’ONG, dont Greenpeace ou Amnesty. En Inde, chaque bout de terre est cultivé, chaque forêt abrite une tribu. Quand vous confisquez ces ressources pour ce «miracle» de la croissance, forcément, vous piétinez les communautés. Si l’on tient compte des coûts sociaux et écologiques, nous n’avons pas 7 % de croissance, mais une croissance négative. Le gouvernement n’est vert qu’en termes de «business vert». Oui, l’Inde avance dans le solaire et l’éolien : c’est bon pour les affaires. Mais le plus important, c’est la bonne gestion des forêts et de l’agriculture. Une forêt comme celles du centre de l’Inde absorbe du carbone. Pas une éolienne. Le vrai test pour savoir si une civilisation est écologique en 2017, c’est de savoir si elle respecte les lois de la nature, les populations et leurs droits, la Constitution. Pour l’agriculture, poussez-vous les OGM et pesticides ou l’agroécologie ? Reconnaissez-vous que chaque goutte d’eau doit être économisée ou construisez-vous plus de barrages ?
Les vingt premières années de mondialisation ont semé le désespoir parmi les paysans indiens, 300 000 se sont suicidés. Aujourd’hui, ils commencent à se soulever, car ils ont réalisé que leur endettement n’était pas de leur faute, mais de celle du système, celui de Monsanto et de l’industrie chimique. Cinq fermiers ont été tués la semaine dernière par la police car ils manifestaient. Soit le gouvernement renoncera à son mariage avec les Monsanto du monde entier, soit il tuera des gens. Les tribus vivent dans une zone forestière éloignée, où il est facile de cacher des atrocités. Mais les fermiers sont partout et la plupart des indiens sont des fermiers. Ce que je vois émerger en Inde est la sorte d’instabilité qui a mené à l’indépendance du pays face à l’empire britannique.
Vous êtes ghandienne : la non-violence suffira-t-elle à résoudre ce conflit?
C’est très compliqué. Ces populations étaient non violentes, mais elles sont coincées entre l’Etat qui en recrute certains et les maoïstes qui en recrutent d’autres… Les tribus luttaient pour leurs droits inscrits dans la loi, elles ont été renommées terroristes. Tout est qualifié d’action extrémiste alors que les gens, souvent, protestent juste contre le fait qu’une femme a été violée. J’ai participé en avril à une manifestation en Allemagne en marge de l’assemblée générale de Bayer, qui rachète Monsanto. Et vous ne le croirez pas : Bayer a tenté d’aller en justice pour tenter de faire qualifier les manifestants de terroristes ! Partout, les multinationales emploient les mêmes méthodes pour continuer leurs crimes en déclarant que chacun est un extrémiste.
Une économie avide qui veut le dernier minerai, la dernière goutte d’eau, le dernier arbre, est une économie qui veut ôter les dernières libertés de 99 % de la population, car elle n’est au service que d’1% des gens. C’est dans la logique et la structure de cette économie d’exclure de plus en plus de gens. Il faut stopper cette machine avide qui engendre inévitablement de la violence. Nous devons réaliser que sinon, ce que les tribus endurent aujourd’hui, chacun devra y faire face demain. Souvenez-vous du texte de Martin Niemöller : « Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. (...) Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester».
Quelle est la solution, alors ?
Ce qui se passe dans le centre de l'Inde, c’est l’histoire de notre époque, une fenêtre sur le monde. Ce conflit ne sera pas résolu au sein du pays mais quand il y aura un réveil mondial, quand chacun se rendra compte que ce modèle économique est basé sur la guerre, la violence et le vol. Aujourd’hui, l’empire des multinationales est soutenu par le consumérisme et l’ignorance des citoyens qui vivent loin des lieux d’extraction des matières premières et n’ont aucune idée du coût écologique et humain de leurs achats. Ils n’ont pas idée de ce qu’implique de fabriquer un iPhone 5, remplacé par un 6, puis 7, etc. L’obsolescence programmée entraîne une demande continue pour les ressources. Notre consommation a un coût, le consumérisme n’est pas le progrès humain, mais une régression dans notre responsabilité de citoyens de la Terre.
Quand vous achetez une chemise à 5 dollars, qu’est-ce que cela veut dire pour le fermier indien qui s’est suicidé, pour les filles mortes dans des usines au Bangladesh ? On ne peut plus être un consommateur irréfléchi et négligent, en connivence avec la violente machine à faire de l’argent. Il faut refuser de participer à cela, poser des limites démocratiques et écologiques à l’économie extractive. La lutte pour la Terre et nos droits ne peut pas être laissée aux seules communautés directement touchées : nous avons besoin de solidarité. Une solidarité entre ces tribus en Inde, les indigènes d’Amazonie ou d’Afrique qui sont massacrés de la même façon, la jeunesse des pays du Nord de plus en plus exclue du système et chaque citoyen du monde. La situation actuelle menace les conditions de vie de l’humanité, c’est vraiment un péril pour chacun. Agir est un impératif moral, écologique, démocratique.
Mais cela prendra du temps...
Regardez comme les choses peuvent changer vite ! Je n’avais jamais vu les Américains aussi mobilisés que depuis l’élection de Donald Trump. Ils étaient somnambules, car ils avaient l’illusion de la démocratie. En incarnant le système mis à nu, il aide les Etats-Unis et le monde à se réveiller. Merci
Par Coralie Schaub, — 11 juin 2017 à 19:56
http://www.liberation.fr/futurs/2017/06/11/vandana-shiva-la-mondialisation-modifie-genetiquement-l-etat_1576052Pour l’écologiste Vandana Shiva, la guerre des matières premières en Inde est l’un des symboles de l’emprise des multinationales, au détriment des populations et de l’environnement.
L’écologiste indienne Vandana Shiva était samedi au festival We Love Green, à Paris, pour parler de la guerre des matières premières qui fait rage en Inde dans l’indifférence générale. Dans le centre-est du pays, riche en ressources convoitées par les géants de l’industrie (fer, charbon, alu, or…), les populations tribales sont prises en étau entre les paramilitaires qui soutiennent les intérêts des industriels et les rebelles maoïstes. Le conflit a déjà fait des milliers de morts, des dizaines de milliers de déplacés et touche un tiers de l’Inde. Il est au cœur de la glaçante enquête de Lionel Astruc, Traque verte (du nom de l’opération visant à exproprier les populations, lancée en 2009), qui vient de paraître chez Actes Sud. Pour Shiva, qui en signe la postface, il s’agit là d’un enjeu universel.
Quelle est la situation, aujourd'hui ?
Le conflit s’intensifie. Les tactiques utilisées par les paramilitaires sont celles d’une guerre : tortures, pillages, viols, villages brûlés, meurtres… Chaque journaliste qui écrit la vérité sur ce qui se passe est arrêté ou disparaît. Chaque avocat ou observateur qui va dans la région est expulsé ou emprisonné. Le conflit est rendu invisible.
D’où vient-il ?
Il est le résultat de la mondialisation. Après la création de l’Organisation mondiale du commerce, en 1995, notre réglementation minière a été assouplie et les multinationales ont cherché à s’accaparer les ressources. Mais sur les terres convoitées vivent des tribus que même l’empire britannique n’a pas réussi à soumettre. En 1996, elles ont obtenu que la loi indienne leur accorde le droit à l’autodétermination. Elles ont exercé ce droit pendant trois ans. La démocratie a fonctionné, mais elle entravait l’économie de l’avidité. Quand on a violé leurs droits en leur imposant des mines, les villageois ont protesté pacifiquement, mais ils ont été jetés en prison. La mondialisation, c’est la loi des multinationales, elle modifie génétiquement l’Etat : il ne représente plus les intérêts des citoyens mais ceux des sociétés mondialisées. L’Etat-entreprise finit par se militariser pour servir les intérêts privés. C’est la mort de la démocratie. Cela se passe partout, mais le conflit qui en découle en Inde est l’un des plus violents. Les gens ne voient que les 7 % de croissance du pays, pas d’où elle vient.
Le Premier ministre, Narendra Modi, dit se soucier de l’environnement…
Il a gelé les activités de milliers d’ONG, dont Greenpeace ou Amnesty. En Inde, chaque bout de terre est cultivé, chaque forêt abrite une tribu. Quand vous confisquez ces ressources pour ce «miracle» de la croissance, forcément, vous piétinez les communautés. Si l’on tient compte des coûts sociaux et écologiques, nous n’avons pas 7 % de croissance, mais une croissance négative. Le gouvernement n’est vert qu’en termes de «business vert». Oui, l’Inde avance dans le solaire et l’éolien : c’est bon pour les affaires. Mais le plus important, c’est la bonne gestion des forêts et de l’agriculture. Une forêt comme celles du centre de l’Inde absorbe du carbone. Pas une éolienne. Le vrai test pour savoir si une civilisation est écologique en 2017, c’est de savoir si elle respecte les lois de la nature, les populations et leurs droits, la Constitution. Pour l’agriculture, poussez-vous les OGM et pesticides ou l’agroécologie ? Reconnaissez-vous que chaque goutte d’eau doit être économisée ou construisez-vous plus de barrages ?
Les vingt premières années de mondialisation ont semé le désespoir parmi les paysans indiens, 300 000 se sont suicidés. Aujourd’hui, ils commencent à se soulever, car ils ont réalisé que leur endettement n’était pas de leur faute, mais de celle du système, celui de Monsanto et de l’industrie chimique. Cinq fermiers ont été tués la semaine dernière par la police car ils manifestaient. Soit le gouvernement renoncera à son mariage avec les Monsanto du monde entier, soit il tuera des gens. Les tribus vivent dans une zone forestière éloignée, où il est facile de cacher des atrocités. Mais les fermiers sont partout et la plupart des indiens sont des fermiers. Ce que je vois émerger en Inde est la sorte d’instabilité qui a mené à l’indépendance du pays face à l’empire britannique.
Vous êtes ghandienne : la non-violence suffira-t-elle à résoudre ce conflit?
C’est très compliqué. Ces populations étaient non violentes, mais elles sont coincées entre l’Etat qui en recrute certains et les maoïstes qui en recrutent d’autres… Les tribus luttaient pour leurs droits inscrits dans la loi, elles ont été renommées terroristes. Tout est qualifié d’action extrémiste alors que les gens, souvent, protestent juste contre le fait qu’une femme a été violée. J’ai participé en avril à une manifestation en Allemagne en marge de l’assemblée générale de Bayer, qui rachète Monsanto. Et vous ne le croirez pas : Bayer a tenté d’aller en justice pour tenter de faire qualifier les manifestants de terroristes ! Partout, les multinationales emploient les mêmes méthodes pour continuer leurs crimes en déclarant que chacun est un extrémiste.
Une économie avide qui veut le dernier minerai, la dernière goutte d’eau, le dernier arbre, est une économie qui veut ôter les dernières libertés de 99 % de la population, car elle n’est au service que d’1% des gens. C’est dans la logique et la structure de cette économie d’exclure de plus en plus de gens. Il faut stopper cette machine avide qui engendre inévitablement de la violence. Nous devons réaliser que sinon, ce que les tribus endurent aujourd’hui, chacun devra y faire face demain. Souvenez-vous du texte de Martin Niemöller : « Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. (...) Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester».
Quelle est la solution, alors ?
Ce qui se passe dans le centre de l'Inde, c’est l’histoire de notre époque, une fenêtre sur le monde. Ce conflit ne sera pas résolu au sein du pays mais quand il y aura un réveil mondial, quand chacun se rendra compte que ce modèle économique est basé sur la guerre, la violence et le vol. Aujourd’hui, l’empire des multinationales est soutenu par le consumérisme et l’ignorance des citoyens qui vivent loin des lieux d’extraction des matières premières et n’ont aucune idée du coût écologique et humain de leurs achats. Ils n’ont pas idée de ce qu’implique de fabriquer un iPhone 5, remplacé par un 6, puis 7, etc. L’obsolescence programmée entraîne une demande continue pour les ressources. Notre consommation a un coût, le consumérisme n’est pas le progrès humain, mais une régression dans notre responsabilité de citoyens de la Terre.
Quand vous achetez une chemise à 5 dollars, qu’est-ce que cela veut dire pour le fermier indien qui s’est suicidé, pour les filles mortes dans des usines au Bangladesh ? On ne peut plus être un consommateur irréfléchi et négligent, en connivence avec la violente machine à faire de l’argent. Il faut refuser de participer à cela, poser des limites démocratiques et écologiques à l’économie extractive. La lutte pour la Terre et nos droits ne peut pas être laissée aux seules communautés directement touchées : nous avons besoin de solidarité. Une solidarité entre ces tribus en Inde, les indigènes d’Amazonie ou d’Afrique qui sont massacrés de la même façon, la jeunesse des pays du Nord de plus en plus exclue du système et chaque citoyen du monde. La situation actuelle menace les conditions de vie de l’humanité, c’est vraiment un péril pour chacun. Agir est un impératif moral, écologique, démocratique.
Mais cela prendra du temps...
Regardez comme les choses peuvent changer vite ! Je n’avais jamais vu les Américains aussi mobilisés que depuis l’élection de Donald Trump. Ils étaient somnambules, car ils avaient l’illusion de la démocratie. En incarnant le système mis à nu, il aide les Etats-Unis et le monde à se réveiller. Merci
Pablo Sévigné : "Face à l'effondrement inévitable de notre monde, le coauteur de « Comment tout peut s'effondrer » invite à regarder la catastrophe en face et à passer à l'action. http://www.terraeco.net/Pablo-Servigne-Les-plus,64497.html
ONU: il faut «renoncer progressivement à l’agriculture industrielle»
Le 07 mars 2017 par Marine Jobert
La rapporteure spéciale sur le droit à l’alimentation de l’ONU dresse un réquisitoire des conséquences délétères des pesticides sur la faune, la flore et l’être humain. Elle plaide pour que les transnationales soient comptables de leurs actes et dynamite un mythe: la sécurité alimentaire ne dépend pas de l’usage des pesticides.
«Etre tributaire de pesticides dangereux est une solution à court terme qui porte atteinte au droit à une alimentation suffisante et au droit à la santé des générations actuelles et des générations futures.» Hilal Elver n’a pas la notoriété d’un Olivier De Schutter ou l’aura d’un Jean Ziegler mais, tout comme ses prédécesseurs au poste de rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, cette juriste turque a la plume acérée. Dans un rapport consacré aux méfaits écologiques, sanitaires et sociaux des pesticides[1], elle dresse un réquisitoire implacable contre ces substances. Certes, elles ont «sans conteste contribué à permettre à la production agricole de faire face à des hausses sans précédent de la demande alimentaire», mais au prix de désastres sur «la santé humaine et l’environnement». Un procès à charge contre les transnationales, dont certaines activités devraient être pouvoir être encadrées et, le cas échéant, sanctionnées.
Toxiques, mais légaux
200.000. C’est le nombre de personnes qui, chaque année, meurent d’intoxication aigüe, dont 99% surviennent dans les pays en développement[2], «où les réglementations dans le domaine de la santé, de la sécurité et de l’environnement sont plus souples et appliquées moins rigoureusement». Les preuves des effets à moyen et long terme des pesticides, sur le vivant en général et l’être humain en particulier, sont plus ardues à apporter, d’autant que «l’ampleur des dommages causés par ces produits chimiques est systématiquement contestée [par l’industrie des pesticides et l’industrie agroalimentaire]». Et d’égrener la liste des pathologies, de mieux en mieux connues, imputables aux pesticides: Parkinson, Alzheimer, troubles hormonaux, troubles de la fertilité, etc. Avec quelles conséquences, en termes de politique publique? Les Etats du monde entier semblent sur la même ligne: celle de l’inaction«Bien que les graves risques pour la santé que présentent nombre de pesticides soient clairement établis, ceux-ci sont encore utilisés», constate la rapporteure.
Droit à une alimentation sans pesticides
Le droit à une alimentation suffisante, reconnue par la Déclaration universelle des droits de l’homme, s'arrête-t-il là où commence la contamination par les pesticides? Oui, considère le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, «car ce droit englobe le droit à une nourriture exempte de substances nocives». Pour aujourd'hui et pour demain, insistent ces représentants de l'ONU. Or, avec des eaux de ruissellement contaminées, des populations de ravageurs perturbées, des écosystèmes déstabilisés et des sols privés de vie dont les rendements s'effondrent, les générations futures sont lésées. «Les arguments selon lesquels les pesticides seraient indispensables pour préserver le droit à l’alimentation et à la sécurité alimentaire entrent en contradiction avec le droit à la santé, compte tenu des nombreux impacts sanitaires associés à certaines pratiques d’utilisation des pesticides.»
Transnationales dans l’impunité
Derrière les Etats défaillants se dressent les multinationales toutes-puissantes. «L’industrie des pesticides est dominée par quelques sociétés transnationales qui exercent un pouvoir extraordinaire sur la recherche agrochimique, les initiatives législatives et les orientations en matière de réglementation au niveau mondial, dénonce le rapport. Elles ont aussi des responsabilités en termes de droits de l’homme.» Et c’est là tout le nœud du rapport: comment les rendre comptables et responsables de leurs agissements?
Des Etats trop bienveillants
Certes, il existe bien des traités, comme la convention de Stockholm ou celle de Montréal, qui ont débarrassé le monde (au moins sur le papier) d’affreux polluants. Mais pour des centaines de pesticides -très dangereux mais qui n’entrent pas dans les clous de la réglementation- les étapes cruciales de leur cycle de vie échappent à toute réglementation. Et ces instruments juridiques recèlent quantité de subtilités (clauses d’exemption, règles de vote léonines…) qui permettent à des Etats de laisser sur le marché des produits toxiques, comme le Paraquat par exemple. Quant aux règlementations nationales, outre qu’elles sont fondées sur des études scientifiques discutables, elles sont peu mises en œuvre et peu contrôlées, faute de moyens. Résultat, des pesticides interdits au Nord finissent souvent dans les pays en voie de développement sans que personne n’y trouve à redire.
Renoncer à l’agriculture industrielle
Le 28 février, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) alertait sur l’impossibilité, pour un monde en expansion démographique incontrôlée et aux rendements agricoles stables, de combattre la famine dans les décennies à venir, mais elle ne préconisait pourtant pas de réelles pistes pour tenter de sortir de la crise. Hilal Elver, elle, achève son réquisitoire sur une série de recommandations très fermes en direction des Etats. Car c’est à eux qu’il appartient de soutenir une agriculture libérée des pesticides dangereux et l’agroécologie, de protéger les femmes enceintes et les enfants de l’exposition à ces produits toxiques, de financer des études indépendantes sur leurs effets potentiels, de cesser de les subventionner et renforcer leur taxation ou de promouvoir une alimentation issue de l’agriculture biologique. Mais interdire et réglementer ne suffit plus: le moyen le plus efficace à long terme de réduire l’exposition à ces produits chimiques toxiques «est de renoncer progressivement à l’agriculture industrielle», conclut la rapporteure.
[1] Cosigné avec Baskut Tuncak, le rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux.
[2] Qui ne comptent pourtant que pour 25% de l’utilisation des pesticides.
Le 07 mars 2017 par Marine Jobert
La rapporteure spéciale sur le droit à l’alimentation de l’ONU dresse un réquisitoire des conséquences délétères des pesticides sur la faune, la flore et l’être humain. Elle plaide pour que les transnationales soient comptables de leurs actes et dynamite un mythe: la sécurité alimentaire ne dépend pas de l’usage des pesticides.
«Etre tributaire de pesticides dangereux est une solution à court terme qui porte atteinte au droit à une alimentation suffisante et au droit à la santé des générations actuelles et des générations futures.» Hilal Elver n’a pas la notoriété d’un Olivier De Schutter ou l’aura d’un Jean Ziegler mais, tout comme ses prédécesseurs au poste de rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, cette juriste turque a la plume acérée. Dans un rapport consacré aux méfaits écologiques, sanitaires et sociaux des pesticides[1], elle dresse un réquisitoire implacable contre ces substances. Certes, elles ont «sans conteste contribué à permettre à la production agricole de faire face à des hausses sans précédent de la demande alimentaire», mais au prix de désastres sur «la santé humaine et l’environnement». Un procès à charge contre les transnationales, dont certaines activités devraient être pouvoir être encadrées et, le cas échéant, sanctionnées.
Toxiques, mais légaux
200.000. C’est le nombre de personnes qui, chaque année, meurent d’intoxication aigüe, dont 99% surviennent dans les pays en développement[2], «où les réglementations dans le domaine de la santé, de la sécurité et de l’environnement sont plus souples et appliquées moins rigoureusement». Les preuves des effets à moyen et long terme des pesticides, sur le vivant en général et l’être humain en particulier, sont plus ardues à apporter, d’autant que «l’ampleur des dommages causés par ces produits chimiques est systématiquement contestée [par l’industrie des pesticides et l’industrie agroalimentaire]». Et d’égrener la liste des pathologies, de mieux en mieux connues, imputables aux pesticides: Parkinson, Alzheimer, troubles hormonaux, troubles de la fertilité, etc. Avec quelles conséquences, en termes de politique publique? Les Etats du monde entier semblent sur la même ligne: celle de l’inaction«Bien que les graves risques pour la santé que présentent nombre de pesticides soient clairement établis, ceux-ci sont encore utilisés», constate la rapporteure.
Droit à une alimentation sans pesticides
Le droit à une alimentation suffisante, reconnue par la Déclaration universelle des droits de l’homme, s'arrête-t-il là où commence la contamination par les pesticides? Oui, considère le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, «car ce droit englobe le droit à une nourriture exempte de substances nocives». Pour aujourd'hui et pour demain, insistent ces représentants de l'ONU. Or, avec des eaux de ruissellement contaminées, des populations de ravageurs perturbées, des écosystèmes déstabilisés et des sols privés de vie dont les rendements s'effondrent, les générations futures sont lésées. «Les arguments selon lesquels les pesticides seraient indispensables pour préserver le droit à l’alimentation et à la sécurité alimentaire entrent en contradiction avec le droit à la santé, compte tenu des nombreux impacts sanitaires associés à certaines pratiques d’utilisation des pesticides.»
Transnationales dans l’impunité
Derrière les Etats défaillants se dressent les multinationales toutes-puissantes. «L’industrie des pesticides est dominée par quelques sociétés transnationales qui exercent un pouvoir extraordinaire sur la recherche agrochimique, les initiatives législatives et les orientations en matière de réglementation au niveau mondial, dénonce le rapport. Elles ont aussi des responsabilités en termes de droits de l’homme.» Et c’est là tout le nœud du rapport: comment les rendre comptables et responsables de leurs agissements?
Des Etats trop bienveillants
Certes, il existe bien des traités, comme la convention de Stockholm ou celle de Montréal, qui ont débarrassé le monde (au moins sur le papier) d’affreux polluants. Mais pour des centaines de pesticides -très dangereux mais qui n’entrent pas dans les clous de la réglementation- les étapes cruciales de leur cycle de vie échappent à toute réglementation. Et ces instruments juridiques recèlent quantité de subtilités (clauses d’exemption, règles de vote léonines…) qui permettent à des Etats de laisser sur le marché des produits toxiques, comme le Paraquat par exemple. Quant aux règlementations nationales, outre qu’elles sont fondées sur des études scientifiques discutables, elles sont peu mises en œuvre et peu contrôlées, faute de moyens. Résultat, des pesticides interdits au Nord finissent souvent dans les pays en voie de développement sans que personne n’y trouve à redire.
Renoncer à l’agriculture industrielle
Le 28 février, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) alertait sur l’impossibilité, pour un monde en expansion démographique incontrôlée et aux rendements agricoles stables, de combattre la famine dans les décennies à venir, mais elle ne préconisait pourtant pas de réelles pistes pour tenter de sortir de la crise. Hilal Elver, elle, achève son réquisitoire sur une série de recommandations très fermes en direction des Etats. Car c’est à eux qu’il appartient de soutenir une agriculture libérée des pesticides dangereux et l’agroécologie, de protéger les femmes enceintes et les enfants de l’exposition à ces produits toxiques, de financer des études indépendantes sur leurs effets potentiels, de cesser de les subventionner et renforcer leur taxation ou de promouvoir une alimentation issue de l’agriculture biologique. Mais interdire et réglementer ne suffit plus: le moyen le plus efficace à long terme de réduire l’exposition à ces produits chimiques toxiques «est de renoncer progressivement à l’agriculture industrielle», conclut la rapporteure.
[1] Cosigné avec Baskut Tuncak, le rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux.
[2] Qui ne comptent pourtant que pour 25% de l’utilisation des pesticides.
L’écopsychologie ,
Largement inspirée par les traditions premières, on y croise des chamanes, des militants, des philosophes, des scientifiques, des thérapeutes... Ce vaste champ de recherche et de pratique transdisciplinaires appelle à une fécondation mutuelle de l’écologie et de la psychologie. « L’écopsychologie est moins une discipline qu’un projet mouvant. Son pluralisme est une vraie richesse », souligne Michel Maxime Egger, qui précise que ce n’est pas une psychothérapie, même si son volet pratique est parfois appelé « écothérapie ». « Ce terme peut porter à confusion et aujourd’hui je préfère parler d’écopratiques », précise le sociologue qui désigne les exercices proposés lors des stages : marcher pieds nus, entrer en connexion avec un arbre, accueillir ses émotions négatives, exprimer ses ressentis par le corps, etc. Des cercles de parole sont aussi au programme. « Cette dynamique de groupe est essentielle, car il s’agit aussi de se relier aux autres. L’écopsychologie ne vise pas la résolution de nos problèmes psychiques, mais bien un changement de société. Pour moi, c’est un des éléments d’un mouvement de civilisation », analyse Dominique Bourg, spécialiste de la pensée écologique et professeur à l’université de Lausanne, qui a codirigé le Dictionnaire de la pensée écologique (PUF).« Contribuer au réenchantement de notre relation au monde » Lors d’un stage en 2016, il a pu expérimenter le « travail qui relie », un ensemble d’exercices pour se relier à la Terre et au vivant que Joanna Macy, pionnière de l’écopsychologie, formalise depuis les années 1980. « Cette approche sensible qui met l’accent sur l’empathie directe avec le milieu a totalement changé ma relation aux arbres, témoigne Dominique Bourg. Je suis un intello et pour moi cette démarche est totalement connectée avec une évolution dans la pensée. Je ne peux plus réfléchir comme je le faisais depuis ce stage dans la Drôme » où la notion d’effondrement tenait une grande place puisqu’il était coanimé par Pablo Servigne, l’auteur de Comment tout peut s’effondrer.
Les écopsychologues ont notamment cherché à comprendre ce hiatus entre la masse d’informations dont nous disposons sur l’état de la planète, et la lenteur avec laquelle nous consentons, individuellement et collectivement, à changer nos modes d’existence. Selon leur analyse, au cours de son évolution l’être humain s’est peu à peu distancié de la nature au point de perdre la capacité à la ressentir. Cette perte de connexion intime l’aurait conduit à envisager la Terre comme un objet extérieur, assimilable à un stock de matières premières à gérer.
Or la nature a une âme, soutiennent les écopsychologues, qui « renouent avec l’anima mundi des Grecs et des Latins » et « contribuent au réenchantement de notre relation au monde » [1], selon le philosophe Mohammed Taleb, qui voit là une autre voie, aux côté des sciences de la nature, pour pénétrer le vivant. « Ce concept d’âme du monde est central pour appréhender l’écopsychologie, selon laquelle on ne peut pas séparer notre psyché de celle du monde. Notre âme n’est alors qu’une expression particulière de cette anima mundi, entité totalisante qui peut être rapprochée de la figure de la Terre, de Gaïa », analyse de son côté Jean Chamel, ingénieur et anthropologue qui rédige une thèse sur l’approche spirituelle de l’écologie [2]. « Je ne vois pas l’écopsychologie comme un mouvement isolé ni nouveau d’ailleurs, car il se situe dans la continuité des formes occidentales de pensée holistes et monistes » selon lesquels mondes matériel et spirituel ne sont pas séparés mais forment un tout.« C’est une contribution au changement, mais il y a d’autres voies » Notre intellect sait que la nature est mal en point, mais la plupart d’entre nous ne ressentons pas ses souffrances. Or, devenir capables d’une telle sensibilité permettrait d’accéder à un changement individuel profond, affirment les écopsychologues. Prenons l’exemple des écogestes (trier ses déchets, ne plus prendre sa voiture...) qu’on effectue par contrainte morale ou légale : dès lors qu’on perçoit la souffrance du vivant, ils deviennent une nécessité intérieure. De fait, les stages d’écopsychologie pratique proposent aussi un temps d’élaboration d’un projet personnel qui vise, une fois rentré chez soi, à devenir acteur du changement social.
Est-ce que ça marche vraiment ? « Il me semble que ce lien avec le changement social est plus complexe : il y a un contexte, des valeurs... On peut vite être rattrapés par notre environnement socioéconomique. À mes yeux, l’écopsychologie est un outil nécessaire, notamment pour changer nos perceptions, mais pas suffisant pour devenir des écoactivistes. On a aussi besoin d’outils pour naviguer dans notre système », soutient Sarah Koller, doctorante en géosciences à l’université de Lausanne, qui étudie les ressorts existentiels de la dynamique capitaliste de croissance. Elle précise que, lors d’un stage effectué en 2014, elle a vécu « une rencontre personnelle avec le vivant, qui [lui] permet désormais de [se] reconnecter facilement à la nature » et a renforcé son engagement au point de coanimer aujourd’hui de tels stages.
Lors d’un « WE en écologies » dans le Jura suisse, des exercices d’écopsychologie pratique étaient proposés.
Selon Jean Chamel, la portée du « travail qui relie » varie en fonction de l’appropriation qui en est faite par les participants, car « chacun peut trouver dans l’écopsychologie ce qu’il cherche, et en donner des interprétations différentes. J’ai constaté que certains en attendaient la résolution de leurs propres problèmes, d’autres étaient dans une démarche plus politique ». De son côté, Philippe Roch, qui a dirigé pendant 13 ans l’Office fédéral de l’environnement — l’équivalent suisse du ministère de l’Environnement —, estime que « la relation avec la nature nous ouvre à l’universalité. En cela, l’écopsychologie offre une excellente base pour devenir des acteurs du changement : lorsqu’on prend conscience du monde et de la manière dont on le traite, on n’a pas le choix que d’aller plus loin. Bien sûr, tous les participants ne vont pas jusque là, certains peuvent y chercher une technique pour un mieux-être — ce qui n’est pas négatif ! –, mais l’écopsychologie propose les éléments qui permettent de se transformer pour agir sur le politique ».
Le militant, qui a aussi été député dans les années 1970 et a présidé la Conférence des parties aux conventions de Bâle et de Rotterdam au début des années 2000, souligne toutefois le risque d’en attendre un absolu, une résolution de tous ses problèmes personnels, voire d’en faire un dogme ou une religion. « C’est une contribution au changement, mais il y a d’autres voies. Cette pratique apporte beaucoup, mais selon moi l’aspect philosophique de l’écopsychologie est essentiel. Il montre que le spirituel est une réalité dans le matériel. Cela devrait inspirer nos politiques. Je suis frappé de voir que la plupart des Verts n’ont aucune relation à la nature, c’est d’ailleurs un mot qu’ils prononcent rarement. Or, si on n’imagine pas qu’au-delà du monde matériel il existe autre chose, on ne peut pas aller très loin. »LIVRES ET STAGES POUR APPROFONDIRVoici une sélection d’ouvrages de référence :
[1] « Psyché, cosmos et âme du monde. Fragments d’histoire de l’écopsychologie », Mohammed Taleb, Conférence du Cercle Averroès, 24 mai 2013.
[2] Voir aussi son texte paru dans Reporterre.Lire aussi : Pour guérir la Terre, il faut soigner notre tête
Largement inspirée par les traditions premières, on y croise des chamanes, des militants, des philosophes, des scientifiques, des thérapeutes... Ce vaste champ de recherche et de pratique transdisciplinaires appelle à une fécondation mutuelle de l’écologie et de la psychologie. « L’écopsychologie est moins une discipline qu’un projet mouvant. Son pluralisme est une vraie richesse », souligne Michel Maxime Egger, qui précise que ce n’est pas une psychothérapie, même si son volet pratique est parfois appelé « écothérapie ». « Ce terme peut porter à confusion et aujourd’hui je préfère parler d’écopratiques », précise le sociologue qui désigne les exercices proposés lors des stages : marcher pieds nus, entrer en connexion avec un arbre, accueillir ses émotions négatives, exprimer ses ressentis par le corps, etc. Des cercles de parole sont aussi au programme. « Cette dynamique de groupe est essentielle, car il s’agit aussi de se relier aux autres. L’écopsychologie ne vise pas la résolution de nos problèmes psychiques, mais bien un changement de société. Pour moi, c’est un des éléments d’un mouvement de civilisation », analyse Dominique Bourg, spécialiste de la pensée écologique et professeur à l’université de Lausanne, qui a codirigé le Dictionnaire de la pensée écologique (PUF).« Contribuer au réenchantement de notre relation au monde » Lors d’un stage en 2016, il a pu expérimenter le « travail qui relie », un ensemble d’exercices pour se relier à la Terre et au vivant que Joanna Macy, pionnière de l’écopsychologie, formalise depuis les années 1980. « Cette approche sensible qui met l’accent sur l’empathie directe avec le milieu a totalement changé ma relation aux arbres, témoigne Dominique Bourg. Je suis un intello et pour moi cette démarche est totalement connectée avec une évolution dans la pensée. Je ne peux plus réfléchir comme je le faisais depuis ce stage dans la Drôme » où la notion d’effondrement tenait une grande place puisqu’il était coanimé par Pablo Servigne, l’auteur de Comment tout peut s’effondrer.
Les écopsychologues ont notamment cherché à comprendre ce hiatus entre la masse d’informations dont nous disposons sur l’état de la planète, et la lenteur avec laquelle nous consentons, individuellement et collectivement, à changer nos modes d’existence. Selon leur analyse, au cours de son évolution l’être humain s’est peu à peu distancié de la nature au point de perdre la capacité à la ressentir. Cette perte de connexion intime l’aurait conduit à envisager la Terre comme un objet extérieur, assimilable à un stock de matières premières à gérer.
Or la nature a une âme, soutiennent les écopsychologues, qui « renouent avec l’anima mundi des Grecs et des Latins » et « contribuent au réenchantement de notre relation au monde » [1], selon le philosophe Mohammed Taleb, qui voit là une autre voie, aux côté des sciences de la nature, pour pénétrer le vivant. « Ce concept d’âme du monde est central pour appréhender l’écopsychologie, selon laquelle on ne peut pas séparer notre psyché de celle du monde. Notre âme n’est alors qu’une expression particulière de cette anima mundi, entité totalisante qui peut être rapprochée de la figure de la Terre, de Gaïa », analyse de son côté Jean Chamel, ingénieur et anthropologue qui rédige une thèse sur l’approche spirituelle de l’écologie [2]. « Je ne vois pas l’écopsychologie comme un mouvement isolé ni nouveau d’ailleurs, car il se situe dans la continuité des formes occidentales de pensée holistes et monistes » selon lesquels mondes matériel et spirituel ne sont pas séparés mais forment un tout.« C’est une contribution au changement, mais il y a d’autres voies » Notre intellect sait que la nature est mal en point, mais la plupart d’entre nous ne ressentons pas ses souffrances. Or, devenir capables d’une telle sensibilité permettrait d’accéder à un changement individuel profond, affirment les écopsychologues. Prenons l’exemple des écogestes (trier ses déchets, ne plus prendre sa voiture...) qu’on effectue par contrainte morale ou légale : dès lors qu’on perçoit la souffrance du vivant, ils deviennent une nécessité intérieure. De fait, les stages d’écopsychologie pratique proposent aussi un temps d’élaboration d’un projet personnel qui vise, une fois rentré chez soi, à devenir acteur du changement social.
Est-ce que ça marche vraiment ? « Il me semble que ce lien avec le changement social est plus complexe : il y a un contexte, des valeurs... On peut vite être rattrapés par notre environnement socioéconomique. À mes yeux, l’écopsychologie est un outil nécessaire, notamment pour changer nos perceptions, mais pas suffisant pour devenir des écoactivistes. On a aussi besoin d’outils pour naviguer dans notre système », soutient Sarah Koller, doctorante en géosciences à l’université de Lausanne, qui étudie les ressorts existentiels de la dynamique capitaliste de croissance. Elle précise que, lors d’un stage effectué en 2014, elle a vécu « une rencontre personnelle avec le vivant, qui [lui] permet désormais de [se] reconnecter facilement à la nature » et a renforcé son engagement au point de coanimer aujourd’hui de tels stages.
Lors d’un « WE en écologies » dans le Jura suisse, des exercices d’écopsychologie pratique étaient proposés.
Selon Jean Chamel, la portée du « travail qui relie » varie en fonction de l’appropriation qui en est faite par les participants, car « chacun peut trouver dans l’écopsychologie ce qu’il cherche, et en donner des interprétations différentes. J’ai constaté que certains en attendaient la résolution de leurs propres problèmes, d’autres étaient dans une démarche plus politique ». De son côté, Philippe Roch, qui a dirigé pendant 13 ans l’Office fédéral de l’environnement — l’équivalent suisse du ministère de l’Environnement —, estime que « la relation avec la nature nous ouvre à l’universalité. En cela, l’écopsychologie offre une excellente base pour devenir des acteurs du changement : lorsqu’on prend conscience du monde et de la manière dont on le traite, on n’a pas le choix que d’aller plus loin. Bien sûr, tous les participants ne vont pas jusque là, certains peuvent y chercher une technique pour un mieux-être — ce qui n’est pas négatif ! –, mais l’écopsychologie propose les éléments qui permettent de se transformer pour agir sur le politique ».
Le militant, qui a aussi été député dans les années 1970 et a présidé la Conférence des parties aux conventions de Bâle et de Rotterdam au début des années 2000, souligne toutefois le risque d’en attendre un absolu, une résolution de tous ses problèmes personnels, voire d’en faire un dogme ou une religion. « C’est une contribution au changement, mais il y a d’autres voies. Cette pratique apporte beaucoup, mais selon moi l’aspect philosophique de l’écopsychologie est essentiel. Il montre que le spirituel est une réalité dans le matériel. Cela devrait inspirer nos politiques. Je suis frappé de voir que la plupart des Verts n’ont aucune relation à la nature, c’est d’ailleurs un mot qu’ils prononcent rarement. Or, si on n’imagine pas qu’au-delà du monde matériel il existe autre chose, on ne peut pas aller très loin. »LIVRES ET STAGES POUR APPROFONDIRVoici une sélection d’ouvrages de référence :
- Soigner l’esprit, guérir la Terre – Introduction à l’écopsychologie, de Michel Maxime Egger (Labor et Fides, 2015) ;
- Écologie pratique et rituels pour la Terre - Retrouver un lien vivant avec la nature, de Joanna Macy et Molly Young Brown (Le Souffle d’Or, 2008) ;
- Méditer dans la nature. Se relier à l’âme du monde, Philippe Roch (Jouvence, 2015).
[1] « Psyché, cosmos et âme du monde. Fragments d’histoire de l’écopsychologie », Mohammed Taleb, Conférence du Cercle Averroès, 24 mai 2013.
[2] Voir aussi son texte paru dans Reporterre.Lire aussi : Pour guérir la Terre, il faut soigner notre tête
Zéro pesticide : Ce guide, fraîchement édité par le ministère de l'Environnement fait le point sur les démarches pilotes, les solutions alternatives et la bonne application de la loi Labbé :
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/10-_Guide_zero_pesticides.pdf
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/10-_Guide_zero_pesticides.pdf
L'effondrement qui vient : Dans le Texte, Pablo Servigne
Judith BernardIl y a des lectures qui bouleversent à jamais votre regard sur le monde. Le livre de Pablo Servigne, Comment tout peut s'effondrer, est du genre à vous déssiller irréversiblement. C'est d'ailleurs à ce titre qu'il m'a été recommandé. Un soir, au Lieu-Dit, un inconnu m'a abordée, pour me parler d'une émission qui avait changé sa vie : mon entretien avec Frédéric Lordon, à propos de Capitalisme, désir et servitude. "Depuis, m'a-t-il confié, un seul texte a eu la même puissance de déflagration pour moi. Un seul : le livre de Pablo Servigne".
Alors je me suis lancée dedans - c'était il y a six mois. Et je n'en suis jamais revenue. Avec son co-auteur, Raphaël Stevens, Servigne confirme calmement, méthodiquement, et presque sereinement, les pires intuitions que nous pouvons avoir sur notre avenir. L'effondrement de la civilisation, qu'à peu près chaque époque a fantasmé pour son propre compte, est cette fois imminent, scientifiquement documenté, et tout à fait inéluctable. Pas la fin du monde, non : juste la fin de la civilisation techno-industrielle que nous connaissons, et qui n'a aucun avenir. Ce ne sera pas forcément l'hiver nucléaire auquel les films post-apocalyptiques nous ont presque habitués. Ce sera "juste" la fin du pétrole, de l'électricité à foison, et du monde qui va avec.
D'ici quelques décennies (que le réchauffement climatique et l'effondrement de la biodiversité, inexorables, et un cataclysme financier très probable, auront rendues pour le moins chaotiques) la satisfaction de nos besoins élémentaires en eau, en énergie, en nourriture ne sera plus assurée à des coûts accessibles au plus grand nombre par des services encadrés par la loi. Ce que nous ne voulons pas voir et que Servigne et Stevens nous apprennent, c'est que c'est nous qui aurons à y faire face : nous qui avons encore quelques décennies à vivre et des enfants à élever sans trop savoir quoi leur promettre. Que leur dire ? Que dire à nos enfants quand nous avons de plus en plus conscience de leur léguer un monde exsangue, essoré par un capitalisme débridé et menacé de devenir bientôt inhabitable ?
Leur dire ceci : l'effondrement de notre civilisation industrielle approche, mais ce n'est pas la fin du monde, ni celle de l'humanité. Il va falloir cultiver d'autres formes de vie, beaucoup, beaucoup plus sobres, mais plus coopératives, aussi : seuls les petits systèmes résilients parviendront à résister aux chocs, grâce à l'entraide, à la polyvalence et à l'autonomie. L'occasion de mettre à l'épreuve les principes de la philosophie anarchiste, qui postulent que les groupes humains n'ont pas besoin de centralisation ni de structures autoritaires pour s'auto-organiser. Là est sans doute la clef de la relative sérénité de Servigne et de son texte : dans un même geste d'écriture, il nous inflige un deuil redoutable - c'en est bientôt fini du monde tel que nous le connaissons - mais nous arme pour regarder la transition qui vient d'un oeil lucide, avec le sang-froid qu'il faudra pour se prémunir du pire. Et qui sait si nous n'aurons pas des occasions de nous réjouir, alors, et d'inventer un monde en mieux ?
Dans le Texte , émission publiée le 21/01/2017
Pour regarder en intégralité l'émission présentée par Judith Bernard avec Pablo Servigne, c'est ici : "L'effondrement qui vient"
Durée de l'émission : 82 minutes
“La gouvernance des ‘communs’ empêchera de privatiser l’humain” Gael Giraud ( économiste). Olivier Pascal-Moussella 3 Décembre 2016
http://www.telerama.fr/idees/gael-giraud-economiste-la-gouvernance-des-communs-empechera-de-privatiser-l-humain,150614.phpr
Comment préserver et gérer ce qui n’est ni public, ni privé, les ressources naturelles, ou culturelles ? Pour cet économiste, jésuite et repenti de Wall Street, il est temps de stopper le train fou d’un modèle économique qui détruit tout sur son passage. Une autre société est possible, articulée autour de ces “communs”. Longtemps, l’horizon a semblé reculer au fur et à mesure que l’humanité avançait vers lui. Et puis, il y a une quarantaine d’années, il a brusquement cessé de fuir. Au loin, la ligne s’est assombrie, elle a même commencé à se briser. Les crises se sont accumulées sous nos yeux, jusqu’à boucher l’avenir. Pour Gaël Giraud, ex-consultant à Wall Street, jésuite, économiste en chef de l’Agence française de développement (AFD), et l’un des esprits les plus lucides, et limpides, de notre époque, le moment est venu d’ouvrir une brèche dans ce paysage désolé. Cette voie nouvelle a un nom : la transition écologique. Elle n’est pas une option, mais une nécessité. Eh oui, il s’agit bien d’une révolution – technologique, politique, culturelle et même spirituelle. Le temps n’est plus aux tergiversations, prévient Gaël Giraud, mais aux décisions claires et tranchées. Pour bâtir une nouvelle société. Et rétablir la ligne d’horizon.
Quel diagnostic établissez-vous sur les maux de la société française ?
Depuis une quarantaine d’années, la société française n’a plus de projet politique. Or, aucune société ne peut vivre sans un grand récit qui rappelle à ceux qui la composent pourquoi ils vivent ensemble et quel monde ils souhaitent transmettre à leurs enfants. En 1945, le projet était clair : reconstruire la France en ruine. Mais, en 1970, il s’était plus ou moins réalisé. La France devient alors orpheline d’une vision, et l’utopie de mai 1968 reste inachevée. C’est dans ces années que germent les problèmes qui nous assaillent : raréfaction des ressources naturelles, augmentation des dettes privées et publiques, montée des inégalités, mise en place de marchés financiers dérégulés… Ces marchés étaient censés compenser la déréliction du modèle industriel après le pic de production pétrolière en 1970. La dérégulation de Wall Street et de la City a alors fourni un « ersatz » de prospérité à l’Occident, en recyclant les surplus commerciaux de la nouvelle usine du monde, la Chine… Mais au prix de bulles financières qui finissent toutes par éclater, avec les effets ravageurs que l’on sait sur le tissu industriel et social. Au final, c’est l’incapacité de la société française à faire face, par un projet novateur, à l’échec du programme implicite de la révolution industrielle – rendre heureux par une consommation « carbonée », c’est-à-dire liée au pétrole et au charbon – qui éreinte notre pays.
“Il n’y a aucun motif de croire que nous pourrons retrouver de la croissance avec le modèle actuel.”
Le mal est profond ?
Oui. Il n’y a aucun motif de croire que nous pourrons retrouver de la croissance, comme par magie, avec le modèle actuel, compte tenu du renchérissement des ressources naturelles non renouvelables et de la déflation. La seule façon de renouer avec la prospérité, et de sortir de la dangereuse déprime politique que nous voyons grossir à chaque élection, c’est de changer de paradigme.
Comment ?
En avançant rapidement vers une économie post-carbone. Ce projet est créateur d’emplois et porteur de sens et de lien social, parce qu’il a une dimension politique, collective et positive. Bref, il ressuscite cette « envie de demain » fondamentale pour l’équilibre de toute société ; une envie plombée, aujourd’hui, par l’absence d’alternative.
Mais sortir du système carbone suffit-il à créer une nouvelle société ?
L’enjeu n’est pas seulement technique : on ne va pas se contenter de rénover thermiquement les bâtiments et de fabriquer des voitures à hydrogène – même si la technologie aura un rôle essentiel. Il est aussi politique : il appelle en effet à revisiter notre rapport à la propriété privée, une relation homme-choses dans laquelle nous sommes enfermés depuis… l’Empire romain ! Dans le droit romain revisité par les théologiens postérieurs à la réforme grégorienne du XIe siècle, ce rapport prenait trois formes : l’usus, ou droit d’usage, c’est-à-dire la possibilité d’utiliser quelque chose sans en être propriétaire ; le fructus, ou droit de vendre l’objet et d’en tirer un profit ; enfin l’abusus, le droit de détruire cet objet. La révolution en cours nous enseigne que ce qui compte est l’usus, l’abusus généralisé n’est pas soutenable. Une initiative comme le Vélib’, adoptée partout, éclaire bien cette évolution : vous achetez le droit d’utiliser un vélo, pas le vélo. Pareil avec Airbnb, Blablacar et des milliers d’autres initiatives : le droit d’usage l’emporte sur la propriété. Ce qui crée de la valeur, c’est l’impact de votre contribution sur l’expérience vécue par l’ensemble de la communauté. Celle de l’encyclopédie en ligne Wikipédia, par exemple, repose sur cette idée maîtresse : tout le monde peut contribuer (en suivant un certain nombre de règles, nous ne sommes pas dans un schéma de spontanéité débridée), et plus nous sommes nombreux à collaborer, plus l’ensemble prend de la valeur pour tous. Dans cette nouvelle société, la prospérité n’est plus le résultat d’une (sur)exploitation des ressources naturelles, mais de la gestion cohérente des apports créatifs de chacun vis-à-vis d’autrui, à travers les réseaux communautaires.
“Notre avenir dépendra de notre capacité à former des communautés capables de décider ce qu’il faut faire des ressources renouvelables.”
N’y a-t-il pas là le danger de transformer chacun d’entre nous en usager-consommateur submergé par l’envie de tirer un profit de toute son existence ?
C’est là qu’un autre mouvement de bascule radical doit se produire : la gouvernance des « communs », qui empêchera de privatiser l’être humain, d’en faire une marchandise intégrale. Cette gouvernance est au cœur de la mission de l’Agence française de développement (AFD), et devrait l’être de tous les programmes des démocrates progressistes. Qu’est-ce qu’un « commun » ? Une ressource naturelle – par exemple un système d’irrigation, un étang, le climat… Mais il peut aussi s’agir d’un commun culturel, comme les langues : personne ne peut les privatiser, et pourtant elles ne sont pas un bien public… Aucun bien, d’ailleurs, n’est par essence privé, public ou « commun » : son statut relève toujours d’une décision éminemment politique – que la communauté doit prendre collectivement, après avoir réfléchi à ce qui relève de l’usus, du fructus, ou d’un usage raisonné. Disons-le crûment, notre avenir dépendra de notre capacité à former ces futures communautés, capables de décider ce qu’il faut faire des ressources renouvelables : l’intelligence, l’énergie solaire…
Une telle révolution a-t-elle déjà eu lieu dans l’Histoire ?
Je ne crois pas, même si de grandes bascules ont déjà eu lieu. La distinction entre bien public et commun remonte à l’invention de l’agriculture, il y a un peu plus de dix mille ans. Avant cela, l’humanité était constituée de chasseurs-cueilleurs, tout le monde possédait au fond un « droit d’usage », personne n’était propriétaire de rien. Peu à peu apparaissent des biens agricoles communs (forêts, pâturages, fleuves…), des biens publics, avec la construction des premières grandes cités-Etats, en Mésopotamie, vers trois mille ans avant notre ère, et des biens privés, liés notamment à l’émergence de la monnaie et de la dette. Cela fait donc cinq mille ans que l’on fonctionne dans ce triangle commun-privé-public. Avec des hauts et des bas ! L’Empire romain a tenté d’absorber la totalité de la sphère sociale dans une sphère publique centralisée. Mais Rome échoue, notamment parce que les élites romaines ont négligé les ressources naturelles, ce qui devrait nous faire réfléchir ! Au Moyen Age, en revanche, apparaît un monde totalement décentralisé, marqué par d’innombrables petites communautés – les monastères en particulier –, où le commun prend une place prépondérante. Elles vont porter l’agriculture européenne jusqu’à l’éclosion des villes au XIIe siècle, puis du crédit bancaire en Italie. L’expérience des communs ne se fait pas sans quelques règles assez strictes !
“La gouvernance des communs n’est pas une lubie de ‘bobos parisiens’ : son horizon est immense.”
Pouvez-vous donner un exemple de commun en péril aujourd’hui ?
Les poissons comestibles d’eau de mer : ils pourraient complètement disparaître des océans en 2040 ou 2050, si la pêche en eau profonde se poursuit sur le modèle actuel. Qui prend soin d’eux ? L’Etat-nation n’est pas un cadre de discussion suffisant pour assurer leur avenir, puisque chaque Etat a des intérêts divergents en la matière. Mais aucune institution internationale, comme l’ONU, ne parvient à s’entendre sur ce sujet crucial. Dans d’autres secteurs, comme la santé, on a mieux réussi. Lors de l’apparition des virus Ebola et H1N1, la communauté internationale a compris que la santé ne concernait pas seulement le paysan de Sierra Leone ou de Chine, mais qu’elle était un bien commun, et fragile. Du coup, la Banque mondiale a mis un milliard de dollars sur la table pour endiguer Ebola en Guinée. Avec son budget annuel de 6 milliards, ce pays n’aurait jamais pu s’y coller seul ! La France a contribué aussi, et la visite que j’ai faite des centres de traitement Ebola dans la forêt guinéenne m’a convaincu que la gouvernance des communs n’est pas une lubie de « bobos parisiens » : son horizon est immense, souvent mondial.
Comment changer de modèle sans mettre au pas la finance dérégulée ?
La finance dérégulée est à terme moribonde. Le FMI reconnaît que 40 % des banques de la zone euro ne sont plus solvables. Une chose, pourtant, retarde sa mise au pas : son pouvoir d’influence sur les politiques. Pourtant, cette influence est condamnée à décroître très vite, au même rythme, en fait, que l’aptitude de la sphère financière à entretenir l’illusion de prospérité. On voyait en elle un substitut à la croissance industrielle, on a eu à la place une déflation terrifiante – au Japon depuis vingt ans, en Europe depuis quelques années, et en germe aux Etats-Unis. Osons reconnaître que le rêve caressé par certains économistes – voir advenir une société post-industrielle tirée par la finance – s’effondre sous nos yeux ! Il va falloir trouver autre chose, et vite.
“La déprime globale provoquée par la déflation pousse les électeurs à élire des clowns pour les sortir du marasme.”
Pourquoi le schéma conceptuel « ancien » perdure-t-il malgré son inefficacité ?
C’est terrible, mais on devra peut-être en passer par davantage de souffrance chez les électeurs. Le vote pour Donald Trump signale qu’on approche du ras-le-bol : pour l’opinion publique américaine, c’est Hillary Clinton qui était l’alliée de Wall Street. Illusion totale, car Trump ne fera rien contre la finance de marché, pas plus que Marine Le Pen. Mais les classes populaires et moyennes ont voulu dire, brutalement, qu’elles ne voulaient plus de la reconduction tacite des politiques néolibérales, qui maintiennent 50 millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté dans la première puissance économique du monde. Continuer sur le même modèle entraîne le désespoir des classes moyennes et populaires. Nous sommes sur la même trajectoire que celle des années 1930 : une déprime globale provoquée par la déflation, qui pousse les électeurs à élire des clowns pour les sortir du marasme. Qu’a fait le chancelier Brüning, juste après la crise de 1929, pour lutter contre la déflation qui sévissait en Allemagne ? Une politique d’austérité budgétaire… qui n’a fait qu’enfoncer la république de Weimar. Trois ans plus tard, Hitler accédait au pouvoir. La grande question est donc la suivante : allons-nous choisir la sortie de route antidémocratique, et céder aux démons qui nous engageront vers le pire ? Ou bien sortirons-nous de la crise par le haut – avec la transition écologique comme projet politique, articulée autour de la gouvernance des communs ?
A quelle échéance pourrions-nous le faire ?
Je serais bien incapable de vous le dire. Pour honorer sa promesse, le changement structurel de fond, qui a déjà démarré avec la révolution digitale, le logiciel libre, etc., doit s’accompagner d’une traduction politique ambitieuse et claire. Or, cette dernière tarde à naître. Les grands mouvements de l’Histoire fonctionnent comme la tectonique des plaques, avec des « continents » rigides – certaines institutions difficiles à faire bouger. Mais un jour le volcan explose. Une fenêtre de tir s’ouvre alors, souvent très brève, pendant laquelle beaucoup est possible : c’est la Révolution française, les journées de 1848, 1945, 1958, Mai 68… En quelques mois, on change de société. On découvre plus tard, bien sûr, que n’a été possible que ce qui a été préparé souterrainement pendant des années. En 1945, la mise en place de la Sécu et de l’Etat-providence à la française n’aurait pas pu se faire sans le travail réalisé par le Conseil national de la Résistance sous l’Occupation. C’est « en sous-marin », pendant la guerre, alors que l’avenir semblait totalement bouché, que des hommes et des femmes ont donc travaillé, dans l’ombre, à faire advenir la société de demain. Mutatis mutandis, toutes les initiatives qui émergent aujourd’hui dans la nouvelle économie collaborative, la permaculture à Loos-en-Gohelle, par exemple, sont la préfiguration de la nouvelle société qui, je l’espère, verra le jour. Quand ? Jean Moulin lui-même ne savait pas quand le monde qu’il appelait de ses vœux deviendrait réalité et, comme Moïse mort au bord de la Terre promise, il ne l’a jamais vu…
“La société démocratique collaborative et participative exige un investissement fort des Etats.”
Ces initiatives dispersées suffiront-elles à transformer la donne, ou l’Etat doit-il jouer un rôle de « tisserand » ?
La société démocratique collaborative et participative est lancée. Mais la transformation des infrastructures, lors de la transition écologique, ne pourra pas se faire sur le modèle « bottom up » [du bas vers le haut, ndlr]. Elle exige un investissement fort des Etats, que le « New climate economy report » a chiffré à 90 000 milliards de dollars sur quinze ans, si l’on veut honorer l’engagement des deux degrés maximum d’augmentation des températures visés par la COP21. Cela équivaut à 6 à 8 % de PIB mondial chaque année. Ce n’est pas rien ! La partie sinistrée du secteur bancaire ne pourra certainement pas le financer ; la partie surendettée du secteur industriel privé non plus ; l’Etat doit donc intervenir.
La transition écologique créera-t-elle des emplois ?
Elle nécessite énormément de main-d’œuvre, pas forcément ultra qualifiée, mais possédant de solides compétences techniques. Prenez la rénovation thermique des bâtiments. On sait la faire et on sait combien elle coûtera – j’ai participé à l’étude complète du cadastre des bâtiments publics en France. Le goulet d’étranglement, ce n’est pas le financement, c’est la main-d’œuvre ! On manque d’ouvriers spécialisés. Il faut donc les former. Et l’on peut multiplier les exemples : la polyagriculture verte autour des centres urbains, avec des circuits courts à la clef, doit être promue rapidement. Elle emploiera beaucoup de monde. En Beauce, cinq agriculteurs suréquipés peuvent cultiver seuls des milliers d’hectares, mais une fois qu’on a compris que cette agriculture n’est plus durable, car trop dépendante des énergies fossiles, on sera peut-être prêt à basculer dans un modèle qui consomme moins de pétrole et plus de bras. Changement d’esprit radical : devenir employé de bureau n’est plus l’accomplissement ultime ! Il faut réarticuler les mondes rural et urbain, promouvoir une classe moyenne rurale heureuse de vivre dans son verger et capable d’y travailler tout en étant connectée au reste du monde. Rien d’utopique à cela. Nos imaginaires sont colonisés par l’ivresse du surmenage, mais cela peut changer.
Quelle importance donnez-vous à la question du sens – du sens à donner à sa vie – dans le changement de société ?
Cette transformation ne pourra se faire sans une redécouverte de son intériorité par le plus grand nombre, quelle que soit la tradition dans laquelle cette intériorité est ancrée. Comprendre que la création de valeur réside dans la mise en commun de nos ressources renouvelables (l’intelligence, l’eau, l’oxygène…) demande que l’on apprenne à se mettre à la place d’autrui, à comprendre ce dont il a besoin – sans pour autant changer sa propre place. Expérience spirituelle que la tradition chrétienne honore, mais dont elle n’a pas le monopole. Je suis frappé par le retour d’une exigence d’intériorité dans la jeune génération. Bien sûr, il y a toujours le risque d’un bricolage « spiritualo-gazeux ». Mais la capacité des jeunes à construire dans un même geste leur vie individuelle et collective est le principe même de l’économie participative. De bon augure – tout comme l’extraordinaire réception de l’encyclique Laudato Si de François, à droite comme à gauche, chez les athées comme les croyants. Elle souligne assez bien que le pape lui-même est impliqué et écouté sur ces questions d’environnement. Avec François, l’Eglise abandonne sa position de donneuse de leçons et partage sa propre expérience spirituelle dans le concert des nations et des autres traditions éthiques. Encore une preuve que, pour construire un monde en commun, nous avons tous notre rôle à jouer.
1970 Naissance à Paris.
1989 Intègre l’Ecole normale supérieure (Ulm) et l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE).
1995 Au Tchad, avec la Délégation catholique pour la coopération (DCC).
1997 Docteur en mathématiques appliquées.
2013 Ordonné prêtre.
2015 Nommé économiste en chef de l’Agence française de développement (AFD).
A voir :
« Communs et développement », conférence avec Gaël Giraud, les 1er et 2 décembre, La Chesnaie du Roy, Paris 12e,
http://www.communsetdeveloppement-afd2016.com
A lire :
Illusion financière, de Gaël Giraud, éd. de l’Atelier, 256 p., 10 €.
Les Tisserands, d’Abdennour Bidar, éd. Les Liens qui libèrent, 192 p., 16 €.
La Contre société, de Roger Sue, éd. Les Liens qui libèrent, 192 p., 17 €.
http://www.telerama.fr/idees/gael-giraud-economiste-la-gouvernance-des-communs-empechera-de-privatiser-l-humain,150614.phpr
Comment préserver et gérer ce qui n’est ni public, ni privé, les ressources naturelles, ou culturelles ? Pour cet économiste, jésuite et repenti de Wall Street, il est temps de stopper le train fou d’un modèle économique qui détruit tout sur son passage. Une autre société est possible, articulée autour de ces “communs”. Longtemps, l’horizon a semblé reculer au fur et à mesure que l’humanité avançait vers lui. Et puis, il y a une quarantaine d’années, il a brusquement cessé de fuir. Au loin, la ligne s’est assombrie, elle a même commencé à se briser. Les crises se sont accumulées sous nos yeux, jusqu’à boucher l’avenir. Pour Gaël Giraud, ex-consultant à Wall Street, jésuite, économiste en chef de l’Agence française de développement (AFD), et l’un des esprits les plus lucides, et limpides, de notre époque, le moment est venu d’ouvrir une brèche dans ce paysage désolé. Cette voie nouvelle a un nom : la transition écologique. Elle n’est pas une option, mais une nécessité. Eh oui, il s’agit bien d’une révolution – technologique, politique, culturelle et même spirituelle. Le temps n’est plus aux tergiversations, prévient Gaël Giraud, mais aux décisions claires et tranchées. Pour bâtir une nouvelle société. Et rétablir la ligne d’horizon.
Quel diagnostic établissez-vous sur les maux de la société française ?
Depuis une quarantaine d’années, la société française n’a plus de projet politique. Or, aucune société ne peut vivre sans un grand récit qui rappelle à ceux qui la composent pourquoi ils vivent ensemble et quel monde ils souhaitent transmettre à leurs enfants. En 1945, le projet était clair : reconstruire la France en ruine. Mais, en 1970, il s’était plus ou moins réalisé. La France devient alors orpheline d’une vision, et l’utopie de mai 1968 reste inachevée. C’est dans ces années que germent les problèmes qui nous assaillent : raréfaction des ressources naturelles, augmentation des dettes privées et publiques, montée des inégalités, mise en place de marchés financiers dérégulés… Ces marchés étaient censés compenser la déréliction du modèle industriel après le pic de production pétrolière en 1970. La dérégulation de Wall Street et de la City a alors fourni un « ersatz » de prospérité à l’Occident, en recyclant les surplus commerciaux de la nouvelle usine du monde, la Chine… Mais au prix de bulles financières qui finissent toutes par éclater, avec les effets ravageurs que l’on sait sur le tissu industriel et social. Au final, c’est l’incapacité de la société française à faire face, par un projet novateur, à l’échec du programme implicite de la révolution industrielle – rendre heureux par une consommation « carbonée », c’est-à-dire liée au pétrole et au charbon – qui éreinte notre pays.
“Il n’y a aucun motif de croire que nous pourrons retrouver de la croissance avec le modèle actuel.”
Le mal est profond ?
Oui. Il n’y a aucun motif de croire que nous pourrons retrouver de la croissance, comme par magie, avec le modèle actuel, compte tenu du renchérissement des ressources naturelles non renouvelables et de la déflation. La seule façon de renouer avec la prospérité, et de sortir de la dangereuse déprime politique que nous voyons grossir à chaque élection, c’est de changer de paradigme.
Comment ?
En avançant rapidement vers une économie post-carbone. Ce projet est créateur d’emplois et porteur de sens et de lien social, parce qu’il a une dimension politique, collective et positive. Bref, il ressuscite cette « envie de demain » fondamentale pour l’équilibre de toute société ; une envie plombée, aujourd’hui, par l’absence d’alternative.
Mais sortir du système carbone suffit-il à créer une nouvelle société ?
L’enjeu n’est pas seulement technique : on ne va pas se contenter de rénover thermiquement les bâtiments et de fabriquer des voitures à hydrogène – même si la technologie aura un rôle essentiel. Il est aussi politique : il appelle en effet à revisiter notre rapport à la propriété privée, une relation homme-choses dans laquelle nous sommes enfermés depuis… l’Empire romain ! Dans le droit romain revisité par les théologiens postérieurs à la réforme grégorienne du XIe siècle, ce rapport prenait trois formes : l’usus, ou droit d’usage, c’est-à-dire la possibilité d’utiliser quelque chose sans en être propriétaire ; le fructus, ou droit de vendre l’objet et d’en tirer un profit ; enfin l’abusus, le droit de détruire cet objet. La révolution en cours nous enseigne que ce qui compte est l’usus, l’abusus généralisé n’est pas soutenable. Une initiative comme le Vélib’, adoptée partout, éclaire bien cette évolution : vous achetez le droit d’utiliser un vélo, pas le vélo. Pareil avec Airbnb, Blablacar et des milliers d’autres initiatives : le droit d’usage l’emporte sur la propriété. Ce qui crée de la valeur, c’est l’impact de votre contribution sur l’expérience vécue par l’ensemble de la communauté. Celle de l’encyclopédie en ligne Wikipédia, par exemple, repose sur cette idée maîtresse : tout le monde peut contribuer (en suivant un certain nombre de règles, nous ne sommes pas dans un schéma de spontanéité débridée), et plus nous sommes nombreux à collaborer, plus l’ensemble prend de la valeur pour tous. Dans cette nouvelle société, la prospérité n’est plus le résultat d’une (sur)exploitation des ressources naturelles, mais de la gestion cohérente des apports créatifs de chacun vis-à-vis d’autrui, à travers les réseaux communautaires.
“Notre avenir dépendra de notre capacité à former des communautés capables de décider ce qu’il faut faire des ressources renouvelables.”
N’y a-t-il pas là le danger de transformer chacun d’entre nous en usager-consommateur submergé par l’envie de tirer un profit de toute son existence ?
C’est là qu’un autre mouvement de bascule radical doit se produire : la gouvernance des « communs », qui empêchera de privatiser l’être humain, d’en faire une marchandise intégrale. Cette gouvernance est au cœur de la mission de l’Agence française de développement (AFD), et devrait l’être de tous les programmes des démocrates progressistes. Qu’est-ce qu’un « commun » ? Une ressource naturelle – par exemple un système d’irrigation, un étang, le climat… Mais il peut aussi s’agir d’un commun culturel, comme les langues : personne ne peut les privatiser, et pourtant elles ne sont pas un bien public… Aucun bien, d’ailleurs, n’est par essence privé, public ou « commun » : son statut relève toujours d’une décision éminemment politique – que la communauté doit prendre collectivement, après avoir réfléchi à ce qui relève de l’usus, du fructus, ou d’un usage raisonné. Disons-le crûment, notre avenir dépendra de notre capacité à former ces futures communautés, capables de décider ce qu’il faut faire des ressources renouvelables : l’intelligence, l’énergie solaire…
Une telle révolution a-t-elle déjà eu lieu dans l’Histoire ?
Je ne crois pas, même si de grandes bascules ont déjà eu lieu. La distinction entre bien public et commun remonte à l’invention de l’agriculture, il y a un peu plus de dix mille ans. Avant cela, l’humanité était constituée de chasseurs-cueilleurs, tout le monde possédait au fond un « droit d’usage », personne n’était propriétaire de rien. Peu à peu apparaissent des biens agricoles communs (forêts, pâturages, fleuves…), des biens publics, avec la construction des premières grandes cités-Etats, en Mésopotamie, vers trois mille ans avant notre ère, et des biens privés, liés notamment à l’émergence de la monnaie et de la dette. Cela fait donc cinq mille ans que l’on fonctionne dans ce triangle commun-privé-public. Avec des hauts et des bas ! L’Empire romain a tenté d’absorber la totalité de la sphère sociale dans une sphère publique centralisée. Mais Rome échoue, notamment parce que les élites romaines ont négligé les ressources naturelles, ce qui devrait nous faire réfléchir ! Au Moyen Age, en revanche, apparaît un monde totalement décentralisé, marqué par d’innombrables petites communautés – les monastères en particulier –, où le commun prend une place prépondérante. Elles vont porter l’agriculture européenne jusqu’à l’éclosion des villes au XIIe siècle, puis du crédit bancaire en Italie. L’expérience des communs ne se fait pas sans quelques règles assez strictes !
“La gouvernance des communs n’est pas une lubie de ‘bobos parisiens’ : son horizon est immense.”
Pouvez-vous donner un exemple de commun en péril aujourd’hui ?
Les poissons comestibles d’eau de mer : ils pourraient complètement disparaître des océans en 2040 ou 2050, si la pêche en eau profonde se poursuit sur le modèle actuel. Qui prend soin d’eux ? L’Etat-nation n’est pas un cadre de discussion suffisant pour assurer leur avenir, puisque chaque Etat a des intérêts divergents en la matière. Mais aucune institution internationale, comme l’ONU, ne parvient à s’entendre sur ce sujet crucial. Dans d’autres secteurs, comme la santé, on a mieux réussi. Lors de l’apparition des virus Ebola et H1N1, la communauté internationale a compris que la santé ne concernait pas seulement le paysan de Sierra Leone ou de Chine, mais qu’elle était un bien commun, et fragile. Du coup, la Banque mondiale a mis un milliard de dollars sur la table pour endiguer Ebola en Guinée. Avec son budget annuel de 6 milliards, ce pays n’aurait jamais pu s’y coller seul ! La France a contribué aussi, et la visite que j’ai faite des centres de traitement Ebola dans la forêt guinéenne m’a convaincu que la gouvernance des communs n’est pas une lubie de « bobos parisiens » : son horizon est immense, souvent mondial.
Comment changer de modèle sans mettre au pas la finance dérégulée ?
La finance dérégulée est à terme moribonde. Le FMI reconnaît que 40 % des banques de la zone euro ne sont plus solvables. Une chose, pourtant, retarde sa mise au pas : son pouvoir d’influence sur les politiques. Pourtant, cette influence est condamnée à décroître très vite, au même rythme, en fait, que l’aptitude de la sphère financière à entretenir l’illusion de prospérité. On voyait en elle un substitut à la croissance industrielle, on a eu à la place une déflation terrifiante – au Japon depuis vingt ans, en Europe depuis quelques années, et en germe aux Etats-Unis. Osons reconnaître que le rêve caressé par certains économistes – voir advenir une société post-industrielle tirée par la finance – s’effondre sous nos yeux ! Il va falloir trouver autre chose, et vite.
“La déprime globale provoquée par la déflation pousse les électeurs à élire des clowns pour les sortir du marasme.”
Pourquoi le schéma conceptuel « ancien » perdure-t-il malgré son inefficacité ?
C’est terrible, mais on devra peut-être en passer par davantage de souffrance chez les électeurs. Le vote pour Donald Trump signale qu’on approche du ras-le-bol : pour l’opinion publique américaine, c’est Hillary Clinton qui était l’alliée de Wall Street. Illusion totale, car Trump ne fera rien contre la finance de marché, pas plus que Marine Le Pen. Mais les classes populaires et moyennes ont voulu dire, brutalement, qu’elles ne voulaient plus de la reconduction tacite des politiques néolibérales, qui maintiennent 50 millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté dans la première puissance économique du monde. Continuer sur le même modèle entraîne le désespoir des classes moyennes et populaires. Nous sommes sur la même trajectoire que celle des années 1930 : une déprime globale provoquée par la déflation, qui pousse les électeurs à élire des clowns pour les sortir du marasme. Qu’a fait le chancelier Brüning, juste après la crise de 1929, pour lutter contre la déflation qui sévissait en Allemagne ? Une politique d’austérité budgétaire… qui n’a fait qu’enfoncer la république de Weimar. Trois ans plus tard, Hitler accédait au pouvoir. La grande question est donc la suivante : allons-nous choisir la sortie de route antidémocratique, et céder aux démons qui nous engageront vers le pire ? Ou bien sortirons-nous de la crise par le haut – avec la transition écologique comme projet politique, articulée autour de la gouvernance des communs ?
A quelle échéance pourrions-nous le faire ?
Je serais bien incapable de vous le dire. Pour honorer sa promesse, le changement structurel de fond, qui a déjà démarré avec la révolution digitale, le logiciel libre, etc., doit s’accompagner d’une traduction politique ambitieuse et claire. Or, cette dernière tarde à naître. Les grands mouvements de l’Histoire fonctionnent comme la tectonique des plaques, avec des « continents » rigides – certaines institutions difficiles à faire bouger. Mais un jour le volcan explose. Une fenêtre de tir s’ouvre alors, souvent très brève, pendant laquelle beaucoup est possible : c’est la Révolution française, les journées de 1848, 1945, 1958, Mai 68… En quelques mois, on change de société. On découvre plus tard, bien sûr, que n’a été possible que ce qui a été préparé souterrainement pendant des années. En 1945, la mise en place de la Sécu et de l’Etat-providence à la française n’aurait pas pu se faire sans le travail réalisé par le Conseil national de la Résistance sous l’Occupation. C’est « en sous-marin », pendant la guerre, alors que l’avenir semblait totalement bouché, que des hommes et des femmes ont donc travaillé, dans l’ombre, à faire advenir la société de demain. Mutatis mutandis, toutes les initiatives qui émergent aujourd’hui dans la nouvelle économie collaborative, la permaculture à Loos-en-Gohelle, par exemple, sont la préfiguration de la nouvelle société qui, je l’espère, verra le jour. Quand ? Jean Moulin lui-même ne savait pas quand le monde qu’il appelait de ses vœux deviendrait réalité et, comme Moïse mort au bord de la Terre promise, il ne l’a jamais vu…
“La société démocratique collaborative et participative exige un investissement fort des Etats.”
Ces initiatives dispersées suffiront-elles à transformer la donne, ou l’Etat doit-il jouer un rôle de « tisserand » ?
La société démocratique collaborative et participative est lancée. Mais la transformation des infrastructures, lors de la transition écologique, ne pourra pas se faire sur le modèle « bottom up » [du bas vers le haut, ndlr]. Elle exige un investissement fort des Etats, que le « New climate economy report » a chiffré à 90 000 milliards de dollars sur quinze ans, si l’on veut honorer l’engagement des deux degrés maximum d’augmentation des températures visés par la COP21. Cela équivaut à 6 à 8 % de PIB mondial chaque année. Ce n’est pas rien ! La partie sinistrée du secteur bancaire ne pourra certainement pas le financer ; la partie surendettée du secteur industriel privé non plus ; l’Etat doit donc intervenir.
La transition écologique créera-t-elle des emplois ?
Elle nécessite énormément de main-d’œuvre, pas forcément ultra qualifiée, mais possédant de solides compétences techniques. Prenez la rénovation thermique des bâtiments. On sait la faire et on sait combien elle coûtera – j’ai participé à l’étude complète du cadastre des bâtiments publics en France. Le goulet d’étranglement, ce n’est pas le financement, c’est la main-d’œuvre ! On manque d’ouvriers spécialisés. Il faut donc les former. Et l’on peut multiplier les exemples : la polyagriculture verte autour des centres urbains, avec des circuits courts à la clef, doit être promue rapidement. Elle emploiera beaucoup de monde. En Beauce, cinq agriculteurs suréquipés peuvent cultiver seuls des milliers d’hectares, mais une fois qu’on a compris que cette agriculture n’est plus durable, car trop dépendante des énergies fossiles, on sera peut-être prêt à basculer dans un modèle qui consomme moins de pétrole et plus de bras. Changement d’esprit radical : devenir employé de bureau n’est plus l’accomplissement ultime ! Il faut réarticuler les mondes rural et urbain, promouvoir une classe moyenne rurale heureuse de vivre dans son verger et capable d’y travailler tout en étant connectée au reste du monde. Rien d’utopique à cela. Nos imaginaires sont colonisés par l’ivresse du surmenage, mais cela peut changer.
Quelle importance donnez-vous à la question du sens – du sens à donner à sa vie – dans le changement de société ?
Cette transformation ne pourra se faire sans une redécouverte de son intériorité par le plus grand nombre, quelle que soit la tradition dans laquelle cette intériorité est ancrée. Comprendre que la création de valeur réside dans la mise en commun de nos ressources renouvelables (l’intelligence, l’eau, l’oxygène…) demande que l’on apprenne à se mettre à la place d’autrui, à comprendre ce dont il a besoin – sans pour autant changer sa propre place. Expérience spirituelle que la tradition chrétienne honore, mais dont elle n’a pas le monopole. Je suis frappé par le retour d’une exigence d’intériorité dans la jeune génération. Bien sûr, il y a toujours le risque d’un bricolage « spiritualo-gazeux ». Mais la capacité des jeunes à construire dans un même geste leur vie individuelle et collective est le principe même de l’économie participative. De bon augure – tout comme l’extraordinaire réception de l’encyclique Laudato Si de François, à droite comme à gauche, chez les athées comme les croyants. Elle souligne assez bien que le pape lui-même est impliqué et écouté sur ces questions d’environnement. Avec François, l’Eglise abandonne sa position de donneuse de leçons et partage sa propre expérience spirituelle dans le concert des nations et des autres traditions éthiques. Encore une preuve que, pour construire un monde en commun, nous avons tous notre rôle à jouer.
1970 Naissance à Paris.
1989 Intègre l’Ecole normale supérieure (Ulm) et l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE).
1995 Au Tchad, avec la Délégation catholique pour la coopération (DCC).
1997 Docteur en mathématiques appliquées.
2013 Ordonné prêtre.
2015 Nommé économiste en chef de l’Agence française de développement (AFD).
A voir :
« Communs et développement », conférence avec Gaël Giraud, les 1er et 2 décembre, La Chesnaie du Roy, Paris 12e,
http://www.communsetdeveloppement-afd2016.com
A lire :
Illusion financière, de Gaël Giraud, éd. de l’Atelier, 256 p., 10 €.
Les Tisserands, d’Abdennour Bidar, éd. Les Liens qui libèrent, 192 p., 16 €.
La Contre société, de Roger Sue, éd. Les Liens qui libèrent, 192 p., 17 €.
Les Défricheurs
Voyage dans la France qui innove vraiment… Il y a en France des gens qui expérimentent et inventent dans les domaines social et écologique. Les gauches françaises, en crise profonde, seraient bien inspirées d’être un peu plus attentives à ce qui bouge de ce côté de la société. Notre chroniqueur Eric Dupin a publié le 11 septembre aux éditions La Découverte un nouveau livre, Les Défricheurs, voyage dans la France qui innove vraiment. Il s'agit d'une vaste enquête de terrain, menée dans une dizaine de régions françaises, à la rencontre de ceux qui expérimentent et inventent dans les domaines social et écologique. On y découvre de nouvelles manières de vivre et de travailler en rupture, plus ou moins radicale, avec le productivisme et le consumérisme dominants.
Nous publions ci-dessous des extraits de sa conclusion… Les défricheurs n’ont pas conscience de leur force. Ils se vivent généralement comme des gens en marge de la société, sans se rendre compte de leur nombre ni de leur influence potentielle. Ces innovateurs sous-estiment fréquemment l’impact qu’ils pourraient avoir si leurs réalisations étaient mieux connues. Dans le contexte chaotique de crise interminable, avec son lot de frustrations et de stress, l’idée que l’on puisse vivre plus sainement, plus tranquillement, est dotée d’un fort potentiel de séduction.
Une fraction notable de la jeunesse hésite à se plier aux règles d’un système aliénant et s’interroge sérieusement sur l’opportunité d’y échapper, même au prix de sacrifices financiers. De nombreux salariés, mal à l’aise dans un travail en dissonance avec leurs propres valeurs, sont prêts à une reconversion professionnelle qui leur ferait retrouver une cohérence de vie. Nombre de défricheurs que j’ai rencontrés ont rompu avec une vie sociale antérieure matériellement plus confortable mais moralement moins épanouissante.
Une nouvelle élite : Comment caractériser sociologiquement cette mouvance?. Ces défricheurs ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la société française. Le cœur de cette population tourne autour de ce que l’on appelait autrefois la petite bourgeoisie intellectuelle. On trouve peu de personnes issues de la grande bourgeoisie et encore moins des classes populaires d’origine immigrée. Soyons toutefois très attentifs à ne pas verser dans la caricature si souvent peinte des «bobos». Sous ce vocable, devenu une injure trop commode, on amalgame des positions sociales et des attitudes idéologiques extrêmement diverses. Les «bourgeois bohèmes», friqués et snobs, dénoncés par la chanson de Renaud de 2006, ne sont pas du tout ceux que j’ai croisés au cours de ce voyage. Il faudrait plutôt parler de «petits bobos», de personnes dotées d’un bon niveau culturel, mais de faibles ressources économiques. Surtout, les défricheurs se caractérisent par la cohérence entre leurs paroles et leurs actes, alors que les bobos, laissent s’installer une dangereuse distance entre leurs bons sentiments et leurs pratiques sociales (...)A vrai dire, la cohorte des défricheurs appartient à une certaine élite au sens propre du terme. Elle ne brille pas par sa supériorité en termes d’argent ou de pouvoir, mais peut se revendiquer d’appartenir au groupe des «meilleurs» du point de vue de l’éthique sociale et écologique. Le «mouvement convivialiste» dont parle Patrick Viveret est composé de ceux qui ont compris que la «joie» est un «sentiment beaucoup plus profond que le plaisir». La première, «à la jonction d’un chemin personnel et d’une transformation sociétale», apporte plénitude et apaisement, tandis que le second, exigeant toujours plus d’excitations, est générateur de frustrations sans cesse renouvelées. Encore faut-il reconnaître qu’atteindre une telle sagesse n’est pas si facile. Cela suppose d’avoir décidé d’opérer un travail exigeant sur soi et de l’avoir mené à bien. C’est en ce sens que cette mouvance peut être qualifiée d’élitiste (...)
Demain, deux mondes parallèles? Le profil particulier des défricheurs rend peu réaliste, à partir d’un certain niveau, la stratégie de l’essaimage. La multiplication des initiatives sociales ou écologiques a certes d’indéniables vertus d’exemplarité. Il est très probable que ce processus se développe dans les années à venir. La minorité agissante pour le bien de la planète et une meilleure sociabilité va vraisemblablement grossir dans des proportions non négligeables. Son pragmatisme lui offrira des succès qui feront boule de neige. Avec un peu d’optimisme, on peut même imaginer que, dans une ou deux décennies, un quart de la population française vivra selon ces modes de vie. Mais n’atteindrons-nous pas un seuil à partir duquel cette avant-garde écolo-sociale cessera de croître? Ses caractéristiques sociales et culturelles peuvent, à un certain moment, freiner son élargissement. Les phénomènes d’imitation et d’exemplarité ne peuvent jouer qu’à certaines conditions de proximité, tant sociale que géographique. Or des pans entiers de la société française n’ont aucun point de contact avec les défricheurs. La question de la masse critique à partir de laquelle c’est la société tout entière qui bascule dans un autre paradigme reste ainsi posée. Il ne faut pas sous-estimer les résistances multiples qui s’opposeront à un changement de ce type. Le capitalisme financiarisé et mondialisé ira certes de crise en crise, mais ceux qui parient sur son écroulement automatique font preuve d’une belle candeur. L’histoire l’a amplement prouvé, ce système d’exploitation et d’aliénation a mille tours dans son sac. Expert dans l’art de déplacer ses contradictions, il saura se défendre et rebondir de bien des manières. Trop de privilèges et d’intérêts sont en jeu.Un vrai changement social et écologique passe obligatoirement par un combat politique dont la dimension culturelle est essentielle. Or, sur ce plan, la bataille est à peine engagée. Le modèle consumériste continue de séduire le plus grand nombre. Sa contestation n’est portée que par des forces très marginales. En appeler simplement au changement personnel risque de ne pas être très efficace. Celui-ci présuppose une prise de conscience problématique dans beaucoup de milieux sociaux, des classes favorisées aux classes populaires. Et il y a un monde entre la compréhension intellectuelle de l’opportunité de changer ses comportements et la mise en pratique de ces idées. (...)
Tout cela dessine le scénario de deux mondes parallèles qui coexisteraient dans le futur. Vivant sainement, une minorité très substantielle aurait rompu avec le système productiviste et consumériste. Mais la majorité de la population demeurerait soumise à ses contraintes. La perspective de voir s’installer deux mondes aux valeurs antagonistes est très inquiétante. D’aucuns rétorqueront peut-être qu’elle permettrait au moins à ceux qui optent pour une «vie saine» de choisir une «société» en phase avec leurs valeurs. Mais une telle dualité laisserait la question écologique entière. Il n’existe qu’une planète et la minorité vertueuse subirait forcément les conséquences de l’activité d’une majorité de pollueurs. Le problème est également de nature sociale: comment se satisfaire d’une situation qui laisserait la majorité de la population aux prises avec l’exploitation, l’aliénation et tous les empoisonnements qui les accompagnent ?
Radicalité et pragmatisme : Il faut ici s’interroger sur le sens du mot «transition» si souvent employé dans cette mouvance. Encore faut-il s’entendre sur le type de «transition» qui nous ferait passer d’un capitalisme gouverné par la finance à une écologie sociale. S’agit-il d’un processus régulier, presque naturel, de conversion des individus? (...) L’oubli de la transformation sociale», avec la dimension politique et collective qui s’y attache, préparerait sans doute d’amères déconvenues.
La «transition citoyenne» n’ira pas sans heurts, sans ruptures, sans batailles ni contradictions. Ses acteurs n’échapperont pas non plus à la vieille dialectique opposant radicalité et pragmatisme. Le choix de la rupture avec les logiques dominantes est poussé au plus loin par les partisans de la décroissance. Il est partagé par les nouveaux dissidents que nous avons rencontrés et qui, par définition, ne peuvent être très nombreux. Ces radicaux sont parfois tentés de verser dans un certain catastrophisme. Ils parient alors sur l’écroulement du système sous les coups de boutoir combinés des crises économique et écologique. Un calcul éminemment dangereux: l’expérience historique montre plutôt que les catastrophes ont des effets régressifs sur les sociétés humaines. Elles nourrissent des peurs et des égoïsmes qui pavent la voie de régimes autoritaires. Si ces circonstances dramatiques devaient advenir, on imagine plus aisément l’avènement d’une dictature technocratique prétendant agir au nom de l’écologie que l’épanouissement d’un modèle novateur d’écosocialisme.
Le versant pragmatique de la «transition» est menacé d’une tout autre manière, celle de voir le changement désiré finir par être digéré par le capitalisme lui-même. «Les alternatives sont en train d’être récupérées», mettait en garde Pierre Rabhi à Cluny. Cet hommage du vice à la vertu –seule preuve empirique de la supériorité de la seconde sur le premier– peut être salué comme tel. Mais ces récupérations, dont le «capitalisme vert» offre des illustrations chaque jour plus nombreuses, sont surtout génératrices d’illusions. Elles font croire que le salut écologique passera simplement par le progrès technologique, nous épargnant de complexes et rigoureux arbitrages.
Vers un mouvement convivialiste : L’idéal serait, bien sûr, de combiner visée radicale et méthode pragmatique. «Un autre monde existe, il est dans celui-ci»: cette citation de Paul Eluard est particulièrement prisée des défricheurs. «Changeons la vie ici et maintenant», proclamait l’hymne du Parti socialiste de 1977. Le moins qu’on puisse dire est que ce parti n’est plus guère animé par ce genre d’ambition. Cette volonté de changement concret devrait toutefois s’inscrire dans une perspective globale. Articuler transformation personnelle et transformation sociale est une condition majeure d’une «transition» de l’ensemble de la société. Un jour viendra sans doute où le fourmillement d’initiatives et d’innovations sociales et écologiques se forgera un vecteur politique. Cela prendra du temps à en juger par le rejet de la vie publique autre que locale qui caractérise généralement nos défricheurs. (...)En attendant, les gauches françaises, en crise profonde, seraient bien inspirées d’être un peu plus attentives à ce qui bouge de ce côté de la société. Même si ses élus locaux épaulent parfois de telles initiatives, le PS reste largement indifférent à ces mouvements. Les écologistes eux-mêmes, on l’a vu, n’ont pas réussi à irriguer leur parti de ces dynamismes et de ces enthousiasmes. Du côté de la gauche radicale, la thématique porteuse de l’écosocialisme est contrebalancée par des réflexes militants à l’ancienne qui font la part trop belle au manichéisme et à la désespérance. Modérée ou radicale, la gauche française devra enfin rompre avec la vulgate naïvement «progressiste» qu’elle a héritée du marxisme. Prier pour le «retour de la croissance» ou rêver à la société idéale deviendront des attitudes de moins en moins crédibles.
Parfois excessifs, les défricheurs sont loin d’avoir raison en tous points. Les pistes variées qu’ils ouvrent n’en restent pas moins fécondes pour qui cherche à s’orienter dans la jungle du troisième millénaire.
mis en ligne par Guy et Pascal
Voyage dans la France qui innove vraiment… Il y a en France des gens qui expérimentent et inventent dans les domaines social et écologique. Les gauches françaises, en crise profonde, seraient bien inspirées d’être un peu plus attentives à ce qui bouge de ce côté de la société. Notre chroniqueur Eric Dupin a publié le 11 septembre aux éditions La Découverte un nouveau livre, Les Défricheurs, voyage dans la France qui innove vraiment. Il s'agit d'une vaste enquête de terrain, menée dans une dizaine de régions françaises, à la rencontre de ceux qui expérimentent et inventent dans les domaines social et écologique. On y découvre de nouvelles manières de vivre et de travailler en rupture, plus ou moins radicale, avec le productivisme et le consumérisme dominants.
Nous publions ci-dessous des extraits de sa conclusion… Les défricheurs n’ont pas conscience de leur force. Ils se vivent généralement comme des gens en marge de la société, sans se rendre compte de leur nombre ni de leur influence potentielle. Ces innovateurs sous-estiment fréquemment l’impact qu’ils pourraient avoir si leurs réalisations étaient mieux connues. Dans le contexte chaotique de crise interminable, avec son lot de frustrations et de stress, l’idée que l’on puisse vivre plus sainement, plus tranquillement, est dotée d’un fort potentiel de séduction.
Une fraction notable de la jeunesse hésite à se plier aux règles d’un système aliénant et s’interroge sérieusement sur l’opportunité d’y échapper, même au prix de sacrifices financiers. De nombreux salariés, mal à l’aise dans un travail en dissonance avec leurs propres valeurs, sont prêts à une reconversion professionnelle qui leur ferait retrouver une cohérence de vie. Nombre de défricheurs que j’ai rencontrés ont rompu avec une vie sociale antérieure matériellement plus confortable mais moralement moins épanouissante.
Une nouvelle élite : Comment caractériser sociologiquement cette mouvance?. Ces défricheurs ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la société française. Le cœur de cette population tourne autour de ce que l’on appelait autrefois la petite bourgeoisie intellectuelle. On trouve peu de personnes issues de la grande bourgeoisie et encore moins des classes populaires d’origine immigrée. Soyons toutefois très attentifs à ne pas verser dans la caricature si souvent peinte des «bobos». Sous ce vocable, devenu une injure trop commode, on amalgame des positions sociales et des attitudes idéologiques extrêmement diverses. Les «bourgeois bohèmes», friqués et snobs, dénoncés par la chanson de Renaud de 2006, ne sont pas du tout ceux que j’ai croisés au cours de ce voyage. Il faudrait plutôt parler de «petits bobos», de personnes dotées d’un bon niveau culturel, mais de faibles ressources économiques. Surtout, les défricheurs se caractérisent par la cohérence entre leurs paroles et leurs actes, alors que les bobos, laissent s’installer une dangereuse distance entre leurs bons sentiments et leurs pratiques sociales (...)A vrai dire, la cohorte des défricheurs appartient à une certaine élite au sens propre du terme. Elle ne brille pas par sa supériorité en termes d’argent ou de pouvoir, mais peut se revendiquer d’appartenir au groupe des «meilleurs» du point de vue de l’éthique sociale et écologique. Le «mouvement convivialiste» dont parle Patrick Viveret est composé de ceux qui ont compris que la «joie» est un «sentiment beaucoup plus profond que le plaisir». La première, «à la jonction d’un chemin personnel et d’une transformation sociétale», apporte plénitude et apaisement, tandis que le second, exigeant toujours plus d’excitations, est générateur de frustrations sans cesse renouvelées. Encore faut-il reconnaître qu’atteindre une telle sagesse n’est pas si facile. Cela suppose d’avoir décidé d’opérer un travail exigeant sur soi et de l’avoir mené à bien. C’est en ce sens que cette mouvance peut être qualifiée d’élitiste (...)
Demain, deux mondes parallèles? Le profil particulier des défricheurs rend peu réaliste, à partir d’un certain niveau, la stratégie de l’essaimage. La multiplication des initiatives sociales ou écologiques a certes d’indéniables vertus d’exemplarité. Il est très probable que ce processus se développe dans les années à venir. La minorité agissante pour le bien de la planète et une meilleure sociabilité va vraisemblablement grossir dans des proportions non négligeables. Son pragmatisme lui offrira des succès qui feront boule de neige. Avec un peu d’optimisme, on peut même imaginer que, dans une ou deux décennies, un quart de la population française vivra selon ces modes de vie. Mais n’atteindrons-nous pas un seuil à partir duquel cette avant-garde écolo-sociale cessera de croître? Ses caractéristiques sociales et culturelles peuvent, à un certain moment, freiner son élargissement. Les phénomènes d’imitation et d’exemplarité ne peuvent jouer qu’à certaines conditions de proximité, tant sociale que géographique. Or des pans entiers de la société française n’ont aucun point de contact avec les défricheurs. La question de la masse critique à partir de laquelle c’est la société tout entière qui bascule dans un autre paradigme reste ainsi posée. Il ne faut pas sous-estimer les résistances multiples qui s’opposeront à un changement de ce type. Le capitalisme financiarisé et mondialisé ira certes de crise en crise, mais ceux qui parient sur son écroulement automatique font preuve d’une belle candeur. L’histoire l’a amplement prouvé, ce système d’exploitation et d’aliénation a mille tours dans son sac. Expert dans l’art de déplacer ses contradictions, il saura se défendre et rebondir de bien des manières. Trop de privilèges et d’intérêts sont en jeu.Un vrai changement social et écologique passe obligatoirement par un combat politique dont la dimension culturelle est essentielle. Or, sur ce plan, la bataille est à peine engagée. Le modèle consumériste continue de séduire le plus grand nombre. Sa contestation n’est portée que par des forces très marginales. En appeler simplement au changement personnel risque de ne pas être très efficace. Celui-ci présuppose une prise de conscience problématique dans beaucoup de milieux sociaux, des classes favorisées aux classes populaires. Et il y a un monde entre la compréhension intellectuelle de l’opportunité de changer ses comportements et la mise en pratique de ces idées. (...)
Tout cela dessine le scénario de deux mondes parallèles qui coexisteraient dans le futur. Vivant sainement, une minorité très substantielle aurait rompu avec le système productiviste et consumériste. Mais la majorité de la population demeurerait soumise à ses contraintes. La perspective de voir s’installer deux mondes aux valeurs antagonistes est très inquiétante. D’aucuns rétorqueront peut-être qu’elle permettrait au moins à ceux qui optent pour une «vie saine» de choisir une «société» en phase avec leurs valeurs. Mais une telle dualité laisserait la question écologique entière. Il n’existe qu’une planète et la minorité vertueuse subirait forcément les conséquences de l’activité d’une majorité de pollueurs. Le problème est également de nature sociale: comment se satisfaire d’une situation qui laisserait la majorité de la population aux prises avec l’exploitation, l’aliénation et tous les empoisonnements qui les accompagnent ?
Radicalité et pragmatisme : Il faut ici s’interroger sur le sens du mot «transition» si souvent employé dans cette mouvance. Encore faut-il s’entendre sur le type de «transition» qui nous ferait passer d’un capitalisme gouverné par la finance à une écologie sociale. S’agit-il d’un processus régulier, presque naturel, de conversion des individus? (...) L’oubli de la transformation sociale», avec la dimension politique et collective qui s’y attache, préparerait sans doute d’amères déconvenues.
La «transition citoyenne» n’ira pas sans heurts, sans ruptures, sans batailles ni contradictions. Ses acteurs n’échapperont pas non plus à la vieille dialectique opposant radicalité et pragmatisme. Le choix de la rupture avec les logiques dominantes est poussé au plus loin par les partisans de la décroissance. Il est partagé par les nouveaux dissidents que nous avons rencontrés et qui, par définition, ne peuvent être très nombreux. Ces radicaux sont parfois tentés de verser dans un certain catastrophisme. Ils parient alors sur l’écroulement du système sous les coups de boutoir combinés des crises économique et écologique. Un calcul éminemment dangereux: l’expérience historique montre plutôt que les catastrophes ont des effets régressifs sur les sociétés humaines. Elles nourrissent des peurs et des égoïsmes qui pavent la voie de régimes autoritaires. Si ces circonstances dramatiques devaient advenir, on imagine plus aisément l’avènement d’une dictature technocratique prétendant agir au nom de l’écologie que l’épanouissement d’un modèle novateur d’écosocialisme.
Le versant pragmatique de la «transition» est menacé d’une tout autre manière, celle de voir le changement désiré finir par être digéré par le capitalisme lui-même. «Les alternatives sont en train d’être récupérées», mettait en garde Pierre Rabhi à Cluny. Cet hommage du vice à la vertu –seule preuve empirique de la supériorité de la seconde sur le premier– peut être salué comme tel. Mais ces récupérations, dont le «capitalisme vert» offre des illustrations chaque jour plus nombreuses, sont surtout génératrices d’illusions. Elles font croire que le salut écologique passera simplement par le progrès technologique, nous épargnant de complexes et rigoureux arbitrages.
Vers un mouvement convivialiste : L’idéal serait, bien sûr, de combiner visée radicale et méthode pragmatique. «Un autre monde existe, il est dans celui-ci»: cette citation de Paul Eluard est particulièrement prisée des défricheurs. «Changeons la vie ici et maintenant», proclamait l’hymne du Parti socialiste de 1977. Le moins qu’on puisse dire est que ce parti n’est plus guère animé par ce genre d’ambition. Cette volonté de changement concret devrait toutefois s’inscrire dans une perspective globale. Articuler transformation personnelle et transformation sociale est une condition majeure d’une «transition» de l’ensemble de la société. Un jour viendra sans doute où le fourmillement d’initiatives et d’innovations sociales et écologiques se forgera un vecteur politique. Cela prendra du temps à en juger par le rejet de la vie publique autre que locale qui caractérise généralement nos défricheurs. (...)En attendant, les gauches françaises, en crise profonde, seraient bien inspirées d’être un peu plus attentives à ce qui bouge de ce côté de la société. Même si ses élus locaux épaulent parfois de telles initiatives, le PS reste largement indifférent à ces mouvements. Les écologistes eux-mêmes, on l’a vu, n’ont pas réussi à irriguer leur parti de ces dynamismes et de ces enthousiasmes. Du côté de la gauche radicale, la thématique porteuse de l’écosocialisme est contrebalancée par des réflexes militants à l’ancienne qui font la part trop belle au manichéisme et à la désespérance. Modérée ou radicale, la gauche française devra enfin rompre avec la vulgate naïvement «progressiste» qu’elle a héritée du marxisme. Prier pour le «retour de la croissance» ou rêver à la société idéale deviendront des attitudes de moins en moins crédibles.
Parfois excessifs, les défricheurs sont loin d’avoir raison en tous points. Les pistes variées qu’ils ouvrent n’en restent pas moins fécondes pour qui cherche à s’orienter dans la jungle du troisième millénaire.
mis en ligne par Guy et Pascal
TAFTA : Cela n'a pas du vous échapper, Greenpeace a mis sur son site des documents confidentiels sur les négociations du TAFTA en cours. Le monde publie quelques pages " confidentielles "...
http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/05/01/tafta-des-documents-confidentiels-revelent-l-avancee-des-negociations_4911732_3234.html
http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/05/01/tafta-des-documents-confidentiels-revelent-l-avancee-des-negociations_4911732_3234.html
TAFTA ta Gueule à la récré... Simple, pédagogique, édifiant... voir cette vidéo :https://www.youtube.com/watch?v=zHK1HqW-FQ0. De bonnes nouvelles sur le front du TAFTA! Avec la visite d'Obama en Allemagne et les manifestations des anti-TAFTA, les médias parlent(enfin) de ce traité, avec parfois même de la bonne foi! Voici un résumé (non exhaustif) de ce qu'on peut trouver dans la presse:
http://www.leparisien.fr/economie/les-plus-et-les-moins-de-l-accord-en-negociation-25-04-2016-5743427.php#xtref=https%3A%2F%2Fwww.google.fr
http://www.liberation.fr/planete/2016/04/24/ce-qu-on-trouve-entre-autres-dans-les-documents-publics-du-tafta_1447448
http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/04/24/sans-concessions-americaines-le-traite-transatlantique-sera-un-echec_4907781_3214.html
http://www.lemonde.fr/international/article/2016/04/24/m-obama-vante-les-merites-de-mme-merkel-et-plaide-pour-le-traite-transatlantique_4907880_3210.html
http://tempsreel.nouvelobs.com/videos/lz58v3.DGT/traite-tafta-le-medef-bouscule-par-attac.html
http://www.franceculture.fr/emissions/dimanche-et-apres/tafta-stop-ou-encore-et-apres
http://www.levif.be/actualite/international/le-ttip-pourrait-voler-en-eclats/article-normal-489713.html
http://www.leparisien.fr/economie/les-plus-et-les-moins-de-l-accord-en-negociation-25-04-2016-5743427.php#xtref=https%3A%2F%2Fwww.google.fr
http://www.liberation.fr/planete/2016/04/24/ce-qu-on-trouve-entre-autres-dans-les-documents-publics-du-tafta_1447448
http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/04/24/sans-concessions-americaines-le-traite-transatlantique-sera-un-echec_4907781_3214.html
http://www.lemonde.fr/international/article/2016/04/24/m-obama-vante-les-merites-de-mme-merkel-et-plaide-pour-le-traite-transatlantique_4907880_3210.html
http://tempsreel.nouvelobs.com/videos/lz58v3.DGT/traite-tafta-le-medef-bouscule-par-attac.html
http://www.franceculture.fr/emissions/dimanche-et-apres/tafta-stop-ou-encore-et-apres
http://www.levif.be/actualite/international/le-ttip-pourrait-voler-en-eclats/article-normal-489713.html
FESTIVAL DES UTOPIES CONCRETE festival de la transition et de la permaculture : www.festivaldesutopiesconcrètes.or
L’esprit du Festival : Le mouvement des villes en Transition Ile-de-France et plusieurs collectifs, associations et coopératives ont souhaité organiser dix jours autour des alternatives concrètes locales et de la permaculture pour anticiper et réfléchir à la manière d’affronter les crises environnementales mais aussi sociales et économiques qui se préparent.L’idée de ce Festival est d’être un moment de réflexion et de rencontres, basé sur des échanges, des partages et des retours d’expériences à partir d’initiatives locales sur des thématiques aussi vastes que l’agriculture urbaine ou péri-urbaine, l’alimentation, le recyclage, l’énergie, les transports, les monnaies complémentaires, l’habitat collectif ou partagé, systèmes d »échanges locaux…
Notre volonté est non seulement de susciter l’émergence de nouvelles alternatives sur nos territoires (et notamment à Paris et en Ile-de-France) mais aussi d’imaginer des formes d’utopies concrètes permettant une transformation de la société par nos pratiques et nos réflexions. Avec en point de mire, la volonté de construire des modes de vie résilients, adaptés aux secousses économiques et environnementales que nous connaissons déjà à travers les bouleversements climatiques ou les crises financières depuis 2008.
Tisser des liens avec les autres continents Nous avons aussi souhaité donner une dimension « internationale » à cette 1ère édition avec une soirée d’ouverture jeudi 27 septembre dans le 2eme arrondissement (salle Jean-Dame) qui verra l’intervention de représentants de communautés indiennes du Guatemala et Équateur en lutte contre des industries pétrolière détruisant leur territoire et donc leur savoir-faire traditionnel basé sur l’utilisation (et non l’exploitation…) des ressources naturelles de leur territoire.
Avec en toile de fond, la volonté de montrer que la transition est un projet de société ouvert sur le monde, ce Festival souhaitant non seulement tisser des liens avec des initiatives d’autres continents mais aussi réfléchir à nos rapports avec tous les peuples.De nombreuses associations, collectifs, coopératives sont d’ores et déjà engagés dans le programme que nous mettons au fur et à mesure en place : les AMAP Ile-de-France, Terre de Liens, plusieurs jardins partagés parisiens, les Amis de la Terre, les collectifs contre les gaz et le pétrole de schiste, Marché sur l’Eau, Enercoop et Énergie partagé, Vélorution… , la liste complète sera présentée très bientôt sur le site.
Le Village des Utopies Concrètes Plusieurs revues et médias dont Mouvement ou encore Basta Mag suivront le Festival, dont l’un des temps forts, outre les cinq journées consacrées à des thématiques particulières, sera le village des Utopies Concrètes samedi 29 septembre, 55 quai de Seine dans le 19ème.Celui-ci regroupera face à la péniche Antipode de 10h à 18h, l’ensemble des associations et structures participantes avec des stands d’information, une librairie éphémère, des dégustations de produits locaux, mais aussi des démonstrations pratiques (apiculture, recyclage, compostage, réparation de vélos…) des débats et des projections (notamment un film de Maxime Combe et Sophie Chapelle sur des alternatives locales en Amérique latine).La dimension festive et artistique ne sera pas oubliée avec des concerts et des pièces de théâtre tout au long de ces 10 journées, dans les différents lieux où le festival fera étape.
Principe de la MINGA :
Au Sud, comme au Nord, nos luttes et nos projets d’alternatives défient l’emprise de l’économie sur la vie. Chacun à notre manière, nous nous opposons à la domination du modèle de « développement » basé sur l’extraction de matières premières en quantités sans cesse plus grandes. Pourtant, il existe peu d’articulations entre les mouvements qui luttent contre les différentes facettes de ce système : ceux qui combattent «l’extractivisme » dans les pays du Sud (exploitation minière ou pétrolière, plantations ou élevages industriels, etc.) et du Nord (gaz et pétrole de schiste, sables bitumineux, etc.); ceux qui s’opposent aux mégaprojets absurdes et destructeurs de territoires ; ceux qui œuvrent pour la transition et la décroissance, principalement au Nord, et, plus généralement, ceux qui construisent des visions et des pratiques alternatives, partout dans le monde.Cette atomisation s’expliquer par la différence des contextes et par le souci de ne pas créer de liens artificiels et « délocalisés ». Nous pensons, toutefois, que si l’ancrage local et la diversité de nos expériences sont la principale « richesse » de nos mouvements, cette dispersion nous prive de moyens indispensables pour mener à bien nos combats et projets. Nous pensons que, nos combats sont liés les uns aux autres, proches ou lointains. Chacune de nos victoires nous renforce. Chaque défaite essuyée fragilise l’ensemble de nos luttes. C’est pourquoi, nous, (différents mouvements et collectifs locaux), « porteurs » de luttes et d’alternatives sociales et écologiques concrètes, lançons cet Appel : Construisons des relations d’entre-aide et de solidarité, tout en évitant leur dissolution dans l’universalisme des « causes abstraites».
Désireux de construire ces liens, mais aussi attachés à nos ancrages locaux et à l’importance de rester dans le concret, nous proposons à celles et ceux qui souhaitent se joindre à nous pour développer ensemble une relation fondée sur le principe de la Minga. La Minga en langue Quechua signifie “la mise en commun du travail, dans le but de s’entraider les uns les autres en s’échangeant des techniques et des informations ou en se consacrant ensemble [de façon ponctuelle] à un objectif déterminé”.
Construire une maison seul peut prendre des années, mais si tous les voisins apportent leur aide pendant une semaine, en « mettant en commun leurs forces pour un objectif ponctuel et déterminé », le chantier avancera bien plus vite ! Dans nos contextes, aux réalités de terrain très différentes, le principe de la Minga pourrait se formaliser de deux façons : des rapprochements selon la proximité géographique – construction de liens d’entre-aide entre mouvements géographiquement proches, ces liens pouvant être activés sur l’appel de chacun de ces mouvements -; et des rapprochements autour des « objets » (de lutte ou d’alternatives) similaires dans différentes régions de la planète, grâce à l’entre-aide et l’échange d’expériences et d’information à distance.
Nos engagements sont complémentaires : nos résistances entravent les rouages du même système « extraction –production-consommation », en refusant les rôles que celui-ci nous assigne. L’opposition tant à l’extractivisme qu’aux mégaprojets peuvent être considérées comme un préalable à la transition afin de changer de paradigme et sortir d’un système économique destructeur. Inversement, la construction d’expériences alternatives concrètes renforce les luttes.C’est la preuve par l’exemple qu’il est possible de vivre autrement.
Cet appel s’adresse aux porteurs de luttes, aux initiatives de transition, partout dans le monde. Il ne s’agit pas pour autant de construire « un réseau des réseaux » ou de centraliser la solidarité. Notre idée est de pouvoir initier ensemble une réflexion qui aiderait chacun à construire ses propres convergences. Pour cela, nous souhaitons dans un premier temps approfondir cette proposition de méthodologie aussi bien sur ses fondements et principes que sur ses possibles modalités pratiques et techniques (outils).
Telles que nous les envisageons, ces articulations ne sauraient être des chaines ou des déclarations d’intentions. Nous projetons cet appel comme le point zéro des alliances à construire. Si votre mouvement, collectif ou association est porteur d’une lutte (extractivisme, mégaprojets, GPII…) ou d’une alternative concrète, et si notre démarche vous intéresse, nous vous invitons à participer avec nous aux prochaines étapes :
Premiers signataires: Collectif citoyen Ile-de-France "Non aux gaz et pétroles de schiste" ([email protected]), Quartiers en transition (Paris 18e, http://petitsmatinsetgrandsoir.wordpress.com, http://quartiersentransition.wordpress.com), Collectif Briad « Non aux gaz et pétroles de schiste » ([email protected]), Association ReLOCALisons (http://relocalisons.wordpress.com), Coopérative alimentaire l'Indépendante (http://www.lindependante.org), Collectif Causse Méjean Gaz de Schiste Non, Association Tierra y Libertad France (en soutien à la lutte contre le projet minier Conga, Pérou), Collectif ALDEAH (en soutien aux luttes contre l’exploitation minière de la communauté de Caimanes, Chili, des communautés paysannes d’Ayabaca, Pérou, des Voisins Autoconvoqués de Tilcara, Argentine, etc.)
A propos de cet Appel : Nos différentes problématiques sont étroitement liées. D’abord car l’exploitation de minerais, d’hydrocarbures et d’autres matières premières, réalisée essentiellement dans les pays du Sud, alimente le métabolisme du système économique et social, basé l’économie de croissance et la société de consommation. L’extraction des ressources fossiles et minières touche aujourd’hui le monde entier, en stérilisant des terres agricoles, en détruisant des économies locales et des écosystèmes, des forêts, des fleuves, des espaces de vie, des traditions ancestrales, en obligeant des peuples obligés à vivre dans des « zones de sacrifice » fournissant ces matières premières.Ensuite, parce que ce système mortifère pour la planète et ses habitants prospère essentiellement grâce au dogme de la croissance, invariablement défendu par tous les pouvoirs en place, les partis politiques, les entreprises et les médias de masse. C’est par ce dogme – et par l’objectif de générer de l’activité économique, en soi et pour soi, - que des gouvernements justifient le lancement aux quatre coins du globe de mégaprojets industriels et de construction d’infrastructures. Ces « grands projets inutiles imposés », mis en œuvre sous couvert de promesses d’emplois (peu suivies d’effets et pour l’immense majorité précaires), ont surtout des conséquences dramatiques pour les territoires et les populations concernées : terres agricoles sacrifiées, biodiversité détruite, multiples pollutions environnementales… Or, ces projets ne pourraient voir le jour sans les industries extractives qui fournissent, à un rythme toujours plus soutenu, les matières premières nécessaires à leur réalisation.Enfin, les initiatives liées à la transition, à la décroissance et à d’autres propositions théoriques et pratiques en rupture avec le système dominant cherchent à sortir de la société de consommation et à imaginer une économie post extractiviste (notamment post-pétrole) à travers des alternatives locales.
Au Sud, comme au Nord, nos luttes et nos projets d’alternatives défient l’emprise de l’économie sur la vie. Chacun à notre manière, nous nous opposons à la domination du modèle de « développement » basé sur l’extraction de matières premières en quantités sans cesse plus grandes. Pourtant, il existe peu d’articulations entre les mouvements qui luttent contre les différentes facettes de ce système : ceux qui combattent «l’extractivisme » dans les pays du Sud (exploitation minière ou pétrolière, plantations ou élevages industriels, etc.) et du Nord (gaz et pétrole de schiste, sables bitumineux, etc.); ceux qui s’opposent aux mégaprojets absurdes et destructeurs de territoires ; ceux qui œuvrent pour la transition et la décroissance, principalement au Nord, et, plus généralement, ceux qui construisent des visions et des pratiques alternatives, partout dans le monde.Cette atomisation s’expliquer par la différence des contextes et par le souci de ne pas créer de liens artificiels et « délocalisés ». Nous pensons, toutefois, que si l’ancrage local et la diversité de nos expériences sont la principale « richesse » de nos mouvements, cette dispersion nous prive de moyens indispensables pour mener à bien nos combats et projets. Nous pensons que, nos combats sont liés les uns aux autres, proches ou lointains. Chacune de nos victoires nous renforce. Chaque défaite essuyée fragilise l’ensemble de nos luttes. C’est pourquoi, nous, (différents mouvements et collectifs locaux), « porteurs » de luttes et d’alternatives sociales et écologiques concrètes, lançons cet Appel : Construisons des relations d’entre-aide et de solidarité, tout en évitant leur dissolution dans l’universalisme des « causes abstraites».
Désireux de construire ces liens, mais aussi attachés à nos ancrages locaux et à l’importance de rester dans le concret, nous proposons à celles et ceux qui souhaitent se joindre à nous pour développer ensemble une relation fondée sur le principe de la Minga. La Minga en langue Quechua signifie “la mise en commun du travail, dans le but de s’entraider les uns les autres en s’échangeant des techniques et des informations ou en se consacrant ensemble [de façon ponctuelle] à un objectif déterminé”.
Construire une maison seul peut prendre des années, mais si tous les voisins apportent leur aide pendant une semaine, en « mettant en commun leurs forces pour un objectif ponctuel et déterminé », le chantier avancera bien plus vite ! Dans nos contextes, aux réalités de terrain très différentes, le principe de la Minga pourrait se formaliser de deux façons : des rapprochements selon la proximité géographique – construction de liens d’entre-aide entre mouvements géographiquement proches, ces liens pouvant être activés sur l’appel de chacun de ces mouvements -; et des rapprochements autour des « objets » (de lutte ou d’alternatives) similaires dans différentes régions de la planète, grâce à l’entre-aide et l’échange d’expériences et d’information à distance.
Nos engagements sont complémentaires : nos résistances entravent les rouages du même système « extraction –production-consommation », en refusant les rôles que celui-ci nous assigne. L’opposition tant à l’extractivisme qu’aux mégaprojets peuvent être considérées comme un préalable à la transition afin de changer de paradigme et sortir d’un système économique destructeur. Inversement, la construction d’expériences alternatives concrètes renforce les luttes.C’est la preuve par l’exemple qu’il est possible de vivre autrement.
Cet appel s’adresse aux porteurs de luttes, aux initiatives de transition, partout dans le monde. Il ne s’agit pas pour autant de construire « un réseau des réseaux » ou de centraliser la solidarité. Notre idée est de pouvoir initier ensemble une réflexion qui aiderait chacun à construire ses propres convergences. Pour cela, nous souhaitons dans un premier temps approfondir cette proposition de méthodologie aussi bien sur ses fondements et principes que sur ses possibles modalités pratiques et techniques (outils).
Telles que nous les envisageons, ces articulations ne sauraient être des chaines ou des déclarations d’intentions. Nous projetons cet appel comme le point zéro des alliances à construire. Si votre mouvement, collectif ou association est porteur d’une lutte (extractivisme, mégaprojets, GPII…) ou d’une alternative concrète, et si notre démarche vous intéresse, nous vous invitons à participer avec nous aux prochaines étapes :
- Rejoindre les signataires de cet appel, en nous envoyant votre adhésion à [email protected].
- Diffuser cet appel auprès d’autres participants potentiels : « porteurs » de luttes et/ou d’alternatives concrètes, hors partis politiques;
- Participer, avec nous, à construire un Outil de Liaison des Luttes et des Alternatives (OLLA) s’appuyant sur une cartographie, un agenda et un catalogue des moyens et des savoir-faire partagés
- Commencer à mettre en application le principe de la Minga en étant présents aux rendez-vous importants convoqués par des acteurs de luttes ou d’alternatives adhérents à l’appel, Prochain rendez-vous : Festival de la transition (fin septembre-début octobre 2012 à Paris et en Ile-de-France) : pensé comme un moment de présentation du mouvement de la transition à travers des initiatives locales concrètes, des débats, des discussions thématiques, ce festival laissera aussi une place au travail que nous menons autour de cet appel et nous permettra de poursuivre notre réflexion sur l’existence de points de convergence ponctuels ou structurels entre les luttes contre l’extractivisme et les alternatives de la transition.
Premiers signataires: Collectif citoyen Ile-de-France "Non aux gaz et pétroles de schiste" ([email protected]), Quartiers en transition (Paris 18e, http://petitsmatinsetgrandsoir.wordpress.com, http://quartiersentransition.wordpress.com), Collectif Briad « Non aux gaz et pétroles de schiste » ([email protected]), Association ReLOCALisons (http://relocalisons.wordpress.com), Coopérative alimentaire l'Indépendante (http://www.lindependante.org), Collectif Causse Méjean Gaz de Schiste Non, Association Tierra y Libertad France (en soutien à la lutte contre le projet minier Conga, Pérou), Collectif ALDEAH (en soutien aux luttes contre l’exploitation minière de la communauté de Caimanes, Chili, des communautés paysannes d’Ayabaca, Pérou, des Voisins Autoconvoqués de Tilcara, Argentine, etc.)
A propos de cet Appel : Nos différentes problématiques sont étroitement liées. D’abord car l’exploitation de minerais, d’hydrocarbures et d’autres matières premières, réalisée essentiellement dans les pays du Sud, alimente le métabolisme du système économique et social, basé l’économie de croissance et la société de consommation. L’extraction des ressources fossiles et minières touche aujourd’hui le monde entier, en stérilisant des terres agricoles, en détruisant des économies locales et des écosystèmes, des forêts, des fleuves, des espaces de vie, des traditions ancestrales, en obligeant des peuples obligés à vivre dans des « zones de sacrifice » fournissant ces matières premières.Ensuite, parce que ce système mortifère pour la planète et ses habitants prospère essentiellement grâce au dogme de la croissance, invariablement défendu par tous les pouvoirs en place, les partis politiques, les entreprises et les médias de masse. C’est par ce dogme – et par l’objectif de générer de l’activité économique, en soi et pour soi, - que des gouvernements justifient le lancement aux quatre coins du globe de mégaprojets industriels et de construction d’infrastructures. Ces « grands projets inutiles imposés », mis en œuvre sous couvert de promesses d’emplois (peu suivies d’effets et pour l’immense majorité précaires), ont surtout des conséquences dramatiques pour les territoires et les populations concernées : terres agricoles sacrifiées, biodiversité détruite, multiples pollutions environnementales… Or, ces projets ne pourraient voir le jour sans les industries extractives qui fournissent, à un rythme toujours plus soutenu, les matières premières nécessaires à leur réalisation.Enfin, les initiatives liées à la transition, à la décroissance et à d’autres propositions théoriques et pratiques en rupture avec le système dominant cherchent à sortir de la société de consommation et à imaginer une économie post extractiviste (notamment post-pétrole) à travers des alternatives locales.
Villes en transition :
Penser global, agir local. Les villes en transition, enjeu majeur pour un futur durable. Transition citoyenne, énergétique ou économique...Il est parfois difficile de comprendre ces expressions fourre-tout. Pour faire le point, rendez-vous ce week-end au Festival des Utopies Concrètes, où le “vivre ensemble” prendra tout son sens. Qu'il s'agisse de la future pénurie de pétrole ou d'un enchaînement de catastrophes naturelles liées au dérèglement climatique, il est aujourd'hui difficile d'ignorer l'état d'urgence généralisé de la planète. La nécessité de démarrer une transition globale vers un mode de vie plus respectueux de notre environnement est croissante. Si les discours alarmants tenus lors de la COP21 ont abouti à la signature d'un accord universel sur le climat, les dirigeants politiques se cachent derrière de grandes promesses, trop lentes à s'accomplir. Comme le rappelle Attac, l'association des luttes citoyennes, il est de notre devoir de citoyen de « désobéir à cet état illégitime des choses et de construire des alternatives. » Qu’est ce que le mouvement de la transition ? Le meilleur porte-parole sur la question de la transition est l'Anglais Rob Hopkins, fondateur du mouvement Transition Network. Ce réseau mondial compte plus de deux mille initiatives, dont cent cinquante en France, qui tendent à révolutionner tous les secteurs de l'organisation sociétale.
Rob Hopkins, enseignant en permaculture (une méthode d’aménagement écologique du territoire), initie le mouvement des Villes en transition dès 2006. Une ville en transition pense et agit en tant que communauté, selon un principe de résilience : avoir la capacité de rebondir face à aux crises économiques et écologiques. Pour ce faire elle fonde son action sur un principe clef : la relocalisation. Comment agir au quotidien ?Relocaliser l'économie (monnaie locale), utiliser les énergies renouvelables (éco-habitat), se déplacer via des transports propres (vélo), agir selon une économie circulaire (repair café), végétaliser l’espace urbain (jardin partagé), se nourrir consciemment (ferme communautaire)... Ces petites révolutions du quotidien sont naturellement accompagnées de valeurs humanistes, mises en application via des projets d'échange de biens et d'entraide. Par exemple, le quartier Alhambra de Bruxelles souffrait d'une image négative liée à la prostitution. Afin de redonner vie à un lieu déserté par les habitants, le Comité de quartier a convaincu la ville de construire un espace de partage, auto-géré par le voisinage. C'est ainsi que fut créé un potager collectif (treize bacs gérés par treize familles, selon des techniques de jardinage différentes), en plein milieu de la rue.
L’exercice le plus développé pour initier ces actions collectives ambitieuses se nomme le visioning : un scénario futuriste est présenté (« En 2050 alors que le pétrole ne sera plus une ressource envisageable... ») et les personnes présentes, divisées par groupe de réflexion, doivent imaginer de nouvelles façons de vivre. Bien sûr, souscrire à Enercoop (société d’électricité renouvelable) et manger local coûte un peu plus cher. Mais au final cette démarche peut s'avérer libératrice. En réduisant les intermédiaires, les citoyens maîtrisent eux-mêmes leur consommation et sont plus attentifs : l'électricité tout comme la nourriture sont économisées.
C’est également par des débats publics, comme ceux initiés par Nuit Debout, que les citoyens se réapproprient le pouvoir, là où les politiciens demeurent encore trop frileux. « Néanmoins cette démarche personnelle doit devenir un engagement politique global » rappelle Bruno Lamour, fondateur du Collectif Roosevelt, qui s'inspire des quinze mesures économiques mises en place par le président F.D. Roosevelt lors de la crise économique de 1933. Il suffit de voir que des projets de libre-échange comme l'accord TAFTA sont en cours de négociation, pour réaliser que les gouvernements jouent encore le jeu du « transfert de pouvoir des mains du peuple à celles du big business », comme le dénonçait Greenpeace en mai dernier.Pourquoi un tel engouement ?Comme l’explique Bruno Lamour, le succès du film Demain s’explique « car il présente une autre histoire que celle que l'on nous raconte à la télé : l'histoire possible d'un monde à venir. » Intervenant dans le cadre du Festival des Utopies Concrètes pour un débat sur la transition et le travail (le mardi 28 septembre), il rappelle qu'il s'agit « d'oser faire le premier pas et le reste suivra selon la logique d'un cycle vertueux».
Les populations sont constamment déçues et manquent de confiance envers les politiques. L'élan collectif semble de plus en plus naturel. Rien qu’en Ile-de-France, 104 projets alternatifs ont été recensés par Attac et le magazine Bastamag. Gilles Sabatier, l’un des organisateurs du Festival des Utopies Concrètes, affirme qu’il est grand temps de reprendre en main le pouvoir, cela étant la meilleure façon de garder espoir face à un avenir incertain : « La résilience permet de construire une vision positive de notre futur, à travers les catastrophes à venir. »
Lorsque l’on sait que l’Allemagne produit 1/3 de son électricité à partir de sociétés d’énergies renouvelables crées par des coopérations citoyennes, on réalise le retard de la France. Mais comme le prouvent les nombreux projets « durables » présélectionnés au budget participatif et l’annonce d’une monnaie locale parisienne (automne 2017), notre transition est belle et bien en marche…!
Un festival pour passer à l'action A l'instar de Victor Hugo, qui pensait que « l'utopie est la vérité de demain », le Festival des utopies concrètes (FUC) met en lumière des alternatives à l'économie de marché, dans laquelle une minorité concentre pouvoir et argent sans tenir compte de son impact environnemental et social : cultiver son jardin en permaculture, manger bio et local, diminuer ses déchets, circuler à vélo, utiliser une monnaie locale complémentaire ou encore privilégier les énergies renouvelables... Autant de petits pas concrets, qui sont liés, pour cheminer ensemble vers un monde idéal. Et dire « Fuc(k) » au système ! - Aude Raux
A lire :Petit manuel de la transition, Attac, Les Liens qui Libèrent, 2016
21 histoires de transition, Transition Network, 2015
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Permaculture et transition : une seule limite, notre imagination.
La permaculture est une conception des paysages et des sociétés qui veut répondre aux problèmes de la modernité par des initiatives collectives et durables. « Nous devons donner le pouvoir aux gens d’engager une démarche de transition [vers un futur souhaité] ». Le terme permaculture, introduit en 1910 par l’agronome Cyril Hopkins, est la contraction de l’expression anglaise « permanent agriculture » qui désigne des méthodes agricoles maintenant la fertilité des terres. Après la seconde guerre mondiale, plusieurs initiatives expérimentent des méthodes d’aménagement des cultures basées sur l’écologie des systèmes. L’essor de la permaculture eut lieu dans les années 70, en réponse à la crise pétrolière, au travers de la création de centaines de sites expérimentant des systèmes agricoles stables qui rejettent les méthodes classiques d’agriculture agro-industrielle peu soucieuse de l’environnement. « La permaculture est d’autant plus pertinente dans une période de crise énergétique. » Ses principes de base sont : pas de déchets, une agriculture naturelle inspirée des écosystèmes biologiques, l’optimisation de la consommation en énergie. Un ensemble de concepts que Robyn Francis expérimente et enseigne depuis 25 ans dans le monde et dans son institut en Australie.
La permaculture est un système de design qui envisage les relations entre les choses. Elle examine comment chaque système soutient les systèmes voisins. Il s’agit de concevoir des systèmes intégrés plutôt que des systèmes séparés ou indépendants. La permaculture peut s’appliquer à différentes situations urbaines comme rurales, un fait clairement démontré ce soir par Robyn Francis grâce à deux exemples contemporains. Les animaux tiennent une place essentielle dans les systèmes de permaculture.
Portland : vivre en ville et faire vivre sa ville : La ville de Portland dans l’Oregon est engagée dans de nombreuses initiatives de villes en transition. Les villes en transition désignent des lieux où s’opère une transition de la dépendance au pétrole à l’indépendance locale. Soutenues par les élus depuis le succès d’initiatives précurseurs, des communautés de voisinage de Portland se sont emparées de leur ville pour trouver ensemble des solutions pour un réel « mieux-vivre ». Ils ont créé des lieux de verdure à but écologique. « Il faut utiliser le moindre espace non-bétonné dans la ville, un petit carré d’herbe, une faille dans le trottoir, les toits, les balcons. Ces espaces peuvent se trouver dans les cours d’écoles, les jardins des églises ou les endroits abandonnés. » Les habitants de Portland ont pris possession des espaces entre le trottoir et la rue, des lieux abandonnés puis transformés en endroits de beauté dont l’utilité est pratique. Ce sont des murs végétaux captant les eaux de pluie pour l’irrigation des jardins ou des caniveaux filtrant naturellement les eaux polluées. Les habitants ont aussi développé d’autres solutions très pragmatiques telles que des jardins partagés entre habitations hlm qui offrent aux habitants, dont les ressources financières sont limitées, la possibilité de produire de la nourriture et d’améliorer leur quotidien. Ces initiatives rendent ainsi possible la production alimentaire dans les villes ce qui représente un des piliers majeurs du mouvement des villes en transition.
« la permaculture est une réflexion communautaire sur la manière de résoudre les problèmes locaux avec des moyens réduits. C’est le moyen de créer un esprit communautaire dans la ville. C’est aussi un outil de prise de décision participatif. » A Portland, un carrefour qui était réputé pour être le lieu d’un grand nombre d’accidents a été orné d’un « magnifique mandala [image de méditation] si beau que chacun ralentirait pour l’admirer ». La mairie avait accepté ce projet sur la seule base de son faible coût comparé à la création de ralentisseurs. « Et ça a marché ! »
A Portland, les initiatives de ce genre se rencontrent à tous les coins de rue. Ils apparaissent sous la forme d’une armoire pour le partage de livres, de cabanes pour l’échange de jouets pour enfants ou de jolies structures incitant les habitants du quartier à s’asseoir et engager la conversation. « Ces actions instillent un sentiment de fierté locale qui favorise le sens communautaire que l’on trouve rarement en ville. »
La transition passe par l’éducation. « La meilleure forme d’éducation, c’est de faire soi-même ce que l’on préconise. » Un précepte qu’elle met en application dans son village à Nimbin, sur la côte est de l’Australie.
Nimbin : la force de la coopération et de la motivation Située entre Brisbane et Sydney, la vallée de Nimbin varie d’un paysage de montagne à la mer. On y trouve des forêts pluviales et de nombreux micro-climats secs ou au contraire fréquemment sujets au gel. Depuis 1993, Robyn y a développé un centre de formation en permaculture et une ferme d’expérimentation appelée Djanbung garden, un terme aborigène signifiant ornithorynque.
Les cinq hectares de terres incultes, ont été métamorphosés en un havre de verdure et de productions alimentaires variées. « Nous expérimentons les design de la permaculture. » Ceci nécessite d’examiner avec conscience les relations entre les différents éléments composant les systèmes. « Les choses ne doivent pas avoir une seule utilité. Le trop-plein d’eau de pluie qui déborde de ma citerne passe dans différents bassins dans lesquels poussent des plantes qui ont besoin de beaucoup d’eau. Elle s’écoule ensuite et alimente mon potager. La collecte des eaux de pluie est notre seule ressource en eau. » Les fleurs près des cultures sont essentielles pour préserver les pollinisateurs. Le mélange de plusieurs cultures sur un même terrain peut être très bénéfique pour les différentes espèces. « Dans ces systèmes, les animaux ont une fonction importante. Les canards désherbent les pieds des arbres fruitiers, ils nous débarrassent des insectes et des limaces, produisent de l’engrais et ils sont heureux. Les cochons sont de parfaits travailleurs quand il s’agit de retourner un terrain en friche. »
La vallée de Nimbin est aussi le centre de plusieurs mouvements communautaires alternatifs. Ces communautés sont en lien étroit avec les groupes locaux : communautés ethniques, agriculteurs… Ils prônent une conscience favorisant l’alimentation locale, les marchés de producteurs et les coopératives. « Nous avons fait des achats groupés de panneaux photovoltaïques. Nous avons même monté une société. Par temps de soleil, la communauté de Nimbin (3000 maisons rurales, des commerces,..) produit 75% de sa consommation en électricité. « Il est important de se regrouper en communauté pour de telles actions. Nous pouvons ainsi acheter des matériaux de meilleure qualité. Nous avons un moulin à farine local, des déshydratateurs de nourriture et un groupe de sécurité alimentaire. » Un des socles de notre pensée est la résilience, c’est-à-dire la capacité de nos sociétés à assumer et dépasser les crises. « Lors de la grande inondation de la région de Brisbane l’an dernier, les supermarchés qui ne possèdent de stock que pour 3 jours ne pouvaient être ravitaillés. Seul Food Connect, un réseau d’agriculteurs locaux, était en mesure d’approvisionner la ville en produits frais. Des paniers paysans étaient transportés en barque ou sur des planches de surf. Les grandes surfaces n’ont pas l’innovation ou la flexibilité nécessaire pour faire face à ce genre de situation. »
L’esprit de la permaculture regroupe de nombreuses formes. Mais tous ces exemples ont en commun d’être issus d’un esprit de coopération au sein de communautés enthousiastes qui souhaitent résoudre leurs problèmes. « Toute communauté peut ainsi développer un réseau indépendant du système global. » Cela permet l’innovation et la réappropriation de l’environnement par les personnes qui y vivent. En conclusion, la seule limite à ces initiatives sont les limites de notre imagination !
Rob Hopkins, enseignant en permaculture (une méthode d’aménagement écologique du territoire), initie le mouvement des Villes en transition dès 2006. Une ville en transition pense et agit en tant que communauté, selon un principe de résilience : avoir la capacité de rebondir face à aux crises économiques et écologiques. Pour ce faire elle fonde son action sur un principe clef : la relocalisation. Comment agir au quotidien ?Relocaliser l'économie (monnaie locale), utiliser les énergies renouvelables (éco-habitat), se déplacer via des transports propres (vélo), agir selon une économie circulaire (repair café), végétaliser l’espace urbain (jardin partagé), se nourrir consciemment (ferme communautaire)... Ces petites révolutions du quotidien sont naturellement accompagnées de valeurs humanistes, mises en application via des projets d'échange de biens et d'entraide. Par exemple, le quartier Alhambra de Bruxelles souffrait d'une image négative liée à la prostitution. Afin de redonner vie à un lieu déserté par les habitants, le Comité de quartier a convaincu la ville de construire un espace de partage, auto-géré par le voisinage. C'est ainsi que fut créé un potager collectif (treize bacs gérés par treize familles, selon des techniques de jardinage différentes), en plein milieu de la rue.
L’exercice le plus développé pour initier ces actions collectives ambitieuses se nomme le visioning : un scénario futuriste est présenté (« En 2050 alors que le pétrole ne sera plus une ressource envisageable... ») et les personnes présentes, divisées par groupe de réflexion, doivent imaginer de nouvelles façons de vivre. Bien sûr, souscrire à Enercoop (société d’électricité renouvelable) et manger local coûte un peu plus cher. Mais au final cette démarche peut s'avérer libératrice. En réduisant les intermédiaires, les citoyens maîtrisent eux-mêmes leur consommation et sont plus attentifs : l'électricité tout comme la nourriture sont économisées.
C’est également par des débats publics, comme ceux initiés par Nuit Debout, que les citoyens se réapproprient le pouvoir, là où les politiciens demeurent encore trop frileux. « Néanmoins cette démarche personnelle doit devenir un engagement politique global » rappelle Bruno Lamour, fondateur du Collectif Roosevelt, qui s'inspire des quinze mesures économiques mises en place par le président F.D. Roosevelt lors de la crise économique de 1933. Il suffit de voir que des projets de libre-échange comme l'accord TAFTA sont en cours de négociation, pour réaliser que les gouvernements jouent encore le jeu du « transfert de pouvoir des mains du peuple à celles du big business », comme le dénonçait Greenpeace en mai dernier.Pourquoi un tel engouement ?Comme l’explique Bruno Lamour, le succès du film Demain s’explique « car il présente une autre histoire que celle que l'on nous raconte à la télé : l'histoire possible d'un monde à venir. » Intervenant dans le cadre du Festival des Utopies Concrètes pour un débat sur la transition et le travail (le mardi 28 septembre), il rappelle qu'il s'agit « d'oser faire le premier pas et le reste suivra selon la logique d'un cycle vertueux».
Les populations sont constamment déçues et manquent de confiance envers les politiques. L'élan collectif semble de plus en plus naturel. Rien qu’en Ile-de-France, 104 projets alternatifs ont été recensés par Attac et le magazine Bastamag. Gilles Sabatier, l’un des organisateurs du Festival des Utopies Concrètes, affirme qu’il est grand temps de reprendre en main le pouvoir, cela étant la meilleure façon de garder espoir face à un avenir incertain : « La résilience permet de construire une vision positive de notre futur, à travers les catastrophes à venir. »
Lorsque l’on sait que l’Allemagne produit 1/3 de son électricité à partir de sociétés d’énergies renouvelables crées par des coopérations citoyennes, on réalise le retard de la France. Mais comme le prouvent les nombreux projets « durables » présélectionnés au budget participatif et l’annonce d’une monnaie locale parisienne (automne 2017), notre transition est belle et bien en marche…!
Un festival pour passer à l'action A l'instar de Victor Hugo, qui pensait que « l'utopie est la vérité de demain », le Festival des utopies concrètes (FUC) met en lumière des alternatives à l'économie de marché, dans laquelle une minorité concentre pouvoir et argent sans tenir compte de son impact environnemental et social : cultiver son jardin en permaculture, manger bio et local, diminuer ses déchets, circuler à vélo, utiliser une monnaie locale complémentaire ou encore privilégier les énergies renouvelables... Autant de petits pas concrets, qui sont liés, pour cheminer ensemble vers un monde idéal. Et dire « Fuc(k) » au système ! - Aude Raux
A lire :Petit manuel de la transition, Attac, Les Liens qui Libèrent, 2016
21 histoires de transition, Transition Network, 2015
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Permaculture et transition : une seule limite, notre imagination.
La permaculture est une conception des paysages et des sociétés qui veut répondre aux problèmes de la modernité par des initiatives collectives et durables. « Nous devons donner le pouvoir aux gens d’engager une démarche de transition [vers un futur souhaité] ». Le terme permaculture, introduit en 1910 par l’agronome Cyril Hopkins, est la contraction de l’expression anglaise « permanent agriculture » qui désigne des méthodes agricoles maintenant la fertilité des terres. Après la seconde guerre mondiale, plusieurs initiatives expérimentent des méthodes d’aménagement des cultures basées sur l’écologie des systèmes. L’essor de la permaculture eut lieu dans les années 70, en réponse à la crise pétrolière, au travers de la création de centaines de sites expérimentant des systèmes agricoles stables qui rejettent les méthodes classiques d’agriculture agro-industrielle peu soucieuse de l’environnement. « La permaculture est d’autant plus pertinente dans une période de crise énergétique. » Ses principes de base sont : pas de déchets, une agriculture naturelle inspirée des écosystèmes biologiques, l’optimisation de la consommation en énergie. Un ensemble de concepts que Robyn Francis expérimente et enseigne depuis 25 ans dans le monde et dans son institut en Australie.
La permaculture est un système de design qui envisage les relations entre les choses. Elle examine comment chaque système soutient les systèmes voisins. Il s’agit de concevoir des systèmes intégrés plutôt que des systèmes séparés ou indépendants. La permaculture peut s’appliquer à différentes situations urbaines comme rurales, un fait clairement démontré ce soir par Robyn Francis grâce à deux exemples contemporains. Les animaux tiennent une place essentielle dans les systèmes de permaculture.
Portland : vivre en ville et faire vivre sa ville : La ville de Portland dans l’Oregon est engagée dans de nombreuses initiatives de villes en transition. Les villes en transition désignent des lieux où s’opère une transition de la dépendance au pétrole à l’indépendance locale. Soutenues par les élus depuis le succès d’initiatives précurseurs, des communautés de voisinage de Portland se sont emparées de leur ville pour trouver ensemble des solutions pour un réel « mieux-vivre ». Ils ont créé des lieux de verdure à but écologique. « Il faut utiliser le moindre espace non-bétonné dans la ville, un petit carré d’herbe, une faille dans le trottoir, les toits, les balcons. Ces espaces peuvent se trouver dans les cours d’écoles, les jardins des églises ou les endroits abandonnés. » Les habitants de Portland ont pris possession des espaces entre le trottoir et la rue, des lieux abandonnés puis transformés en endroits de beauté dont l’utilité est pratique. Ce sont des murs végétaux captant les eaux de pluie pour l’irrigation des jardins ou des caniveaux filtrant naturellement les eaux polluées. Les habitants ont aussi développé d’autres solutions très pragmatiques telles que des jardins partagés entre habitations hlm qui offrent aux habitants, dont les ressources financières sont limitées, la possibilité de produire de la nourriture et d’améliorer leur quotidien. Ces initiatives rendent ainsi possible la production alimentaire dans les villes ce qui représente un des piliers majeurs du mouvement des villes en transition.
« la permaculture est une réflexion communautaire sur la manière de résoudre les problèmes locaux avec des moyens réduits. C’est le moyen de créer un esprit communautaire dans la ville. C’est aussi un outil de prise de décision participatif. » A Portland, un carrefour qui était réputé pour être le lieu d’un grand nombre d’accidents a été orné d’un « magnifique mandala [image de méditation] si beau que chacun ralentirait pour l’admirer ». La mairie avait accepté ce projet sur la seule base de son faible coût comparé à la création de ralentisseurs. « Et ça a marché ! »
A Portland, les initiatives de ce genre se rencontrent à tous les coins de rue. Ils apparaissent sous la forme d’une armoire pour le partage de livres, de cabanes pour l’échange de jouets pour enfants ou de jolies structures incitant les habitants du quartier à s’asseoir et engager la conversation. « Ces actions instillent un sentiment de fierté locale qui favorise le sens communautaire que l’on trouve rarement en ville. »
La transition passe par l’éducation. « La meilleure forme d’éducation, c’est de faire soi-même ce que l’on préconise. » Un précepte qu’elle met en application dans son village à Nimbin, sur la côte est de l’Australie.
Nimbin : la force de la coopération et de la motivation Située entre Brisbane et Sydney, la vallée de Nimbin varie d’un paysage de montagne à la mer. On y trouve des forêts pluviales et de nombreux micro-climats secs ou au contraire fréquemment sujets au gel. Depuis 1993, Robyn y a développé un centre de formation en permaculture et une ferme d’expérimentation appelée Djanbung garden, un terme aborigène signifiant ornithorynque.
Les cinq hectares de terres incultes, ont été métamorphosés en un havre de verdure et de productions alimentaires variées. « Nous expérimentons les design de la permaculture. » Ceci nécessite d’examiner avec conscience les relations entre les différents éléments composant les systèmes. « Les choses ne doivent pas avoir une seule utilité. Le trop-plein d’eau de pluie qui déborde de ma citerne passe dans différents bassins dans lesquels poussent des plantes qui ont besoin de beaucoup d’eau. Elle s’écoule ensuite et alimente mon potager. La collecte des eaux de pluie est notre seule ressource en eau. » Les fleurs près des cultures sont essentielles pour préserver les pollinisateurs. Le mélange de plusieurs cultures sur un même terrain peut être très bénéfique pour les différentes espèces. « Dans ces systèmes, les animaux ont une fonction importante. Les canards désherbent les pieds des arbres fruitiers, ils nous débarrassent des insectes et des limaces, produisent de l’engrais et ils sont heureux. Les cochons sont de parfaits travailleurs quand il s’agit de retourner un terrain en friche. »
La vallée de Nimbin est aussi le centre de plusieurs mouvements communautaires alternatifs. Ces communautés sont en lien étroit avec les groupes locaux : communautés ethniques, agriculteurs… Ils prônent une conscience favorisant l’alimentation locale, les marchés de producteurs et les coopératives. « Nous avons fait des achats groupés de panneaux photovoltaïques. Nous avons même monté une société. Par temps de soleil, la communauté de Nimbin (3000 maisons rurales, des commerces,..) produit 75% de sa consommation en électricité. « Il est important de se regrouper en communauté pour de telles actions. Nous pouvons ainsi acheter des matériaux de meilleure qualité. Nous avons un moulin à farine local, des déshydratateurs de nourriture et un groupe de sécurité alimentaire. » Un des socles de notre pensée est la résilience, c’est-à-dire la capacité de nos sociétés à assumer et dépasser les crises. « Lors de la grande inondation de la région de Brisbane l’an dernier, les supermarchés qui ne possèdent de stock que pour 3 jours ne pouvaient être ravitaillés. Seul Food Connect, un réseau d’agriculteurs locaux, était en mesure d’approvisionner la ville en produits frais. Des paniers paysans étaient transportés en barque ou sur des planches de surf. Les grandes surfaces n’ont pas l’innovation ou la flexibilité nécessaire pour faire face à ce genre de situation. »
L’esprit de la permaculture regroupe de nombreuses formes. Mais tous ces exemples ont en commun d’être issus d’un esprit de coopération au sein de communautés enthousiastes qui souhaitent résoudre leurs problèmes. « Toute communauté peut ainsi développer un réseau indépendant du système global. » Cela permet l’innovation et la réappropriation de l’environnement par les personnes qui y vivent. En conclusion, la seule limite à ces initiatives sont les limites de notre imagination !
12 points pour réaliser une "initiative de transition"http://www.transitionfrance.fr/wp-content/uploads/2010/10/Guide_Transition_FR3.pdf
La Transition : Le mouvement de Transition est né en Grande-Bretagne en septembre 2006 dans la petite ville de Totnes. L'enseignant en permaculture Rob Hopkins avait créé le modèle de Transition avec ses étudiants dans la ville de Kinsale en Irlande un an auparavant. Il y a aujourd'hui des centaines d'Initiatives de Transition dans une vingtaine de pays réunies dans le réseau de Transition (Transition Network). La Transition en question est le passage « de la dépendance au pétrole à la résilience locale ». Les populations locales sont invitées à créer un avenir meilleur et moins vulnérable devant les crises écologiques, énergétiques et économiques qui menacent en agissant dès maintenant pour :
- réduire la consommation d'énergie fossile ;
- reconstruire une économie locale vigoureuse et soutenable et retrouver un bon degré de résilience par la relocalisation de ce qui peut l'être ;
- acquérir les qualifications qui deviendront nécessaires. Chaque collectivité locale trouvera par elle-même les actions qui lui conviennent en fonction de ses ressources et de ses enjeux. Il n'y a pas de réponse toute faite. Le modèle de Transition offre un cadre de travail cohérent mais non coercitif.
Pourquoi agir localement ?
parce que l'économie devra inévitablement se relocaliser en grande partie
parce que c'est le niveau auquel les citoyens peuvent inventer des solutions bien adaptées à leur réalité et passer à l'action
parce que c'est souvent près de nous que se trouvent les gens, les ressources et les solidarités pour agir.
Ressource précieuse, le Groupe Objectif résilience a été créé pour discuter sur le mouvement de Transition, les traductions, les évènements, la recherche de participants, le partage de ressources et la coordination d'efforts aux niveaux régionaux, nationaux et de la francophonie.
Le site villesentransition.net est devenu un portail vers ces sites. Cliquez sur le site de votre région dans la colonne de droite afin d’y consulter la liste des Initiatives existantes, prendre connaissance des activités qui s’y déroulent établir des contacts et découvrir des ressources.
L'usine et le champ, la réconciliation
Deux figures engagées débattent des liens entre l'écologie et le travail :
Pierre Rabhi, paysan et écrivain et Charles Piaget, travailleur et syndicaliste LIP réunis pour une discussion sur le rapprochement entre l’écologie et "le social".
L'enregistrement de la rencontre en 4 petits films : ici
Deux figures engagées débattent des liens entre l'écologie et le travail :
Pierre Rabhi, paysan et écrivain et Charles Piaget, travailleur et syndicaliste LIP réunis pour une discussion sur le rapprochement entre l’écologie et "le social".
L'enregistrement de la rencontre en 4 petits films : ici
Vandana Shiva : «La mondialisation modifie génétiquement l’Etat» Par Coralie Schaub, — 11 juin 2017 à 19:56
http://www.liberation.fr/futurs/2017/06/11/vandana-shiva-la-mondialisation-modifie-genetiquement-l-etat_1576052 Pour l’écologiste Vandana Shiva, la guerre des matières premières en Inde est l’un des symboles de l’emprise des multinationales, au détriment des populations et de l’environnement.L’écologiste indienne Vandana Shiva était samedi au festival We Love Green, à Paris, pour parler de la guerre des matières premières qui fait rage en Inde dans l’indifférence générale. Dans le centre-est du pays, riche en ressources convoitées par les géants de l’industrie (fer, charbon, alu, or…), les populations tribales sont prises en étau entre les paramilitaires qui soutiennent les intérêts des industriels et les rebelles maoïstes. Le conflit a déjà fait des milliers de morts, des dizaines de milliers de déplacés et touche un tiers de l’Inde. Il est au cœur de la glaçante enquête de Lionel Astruc, Traque verte (du nom de l’opération visant à exproprier les populations, lancée en 2009), qui vient de paraître chez Actes Sud. Pour Shiva, qui en signe la postface, il s’agit là d’un enjeu universel. Quelle est la situation, aujourd'hui ?Le conflit s’intensifie. Les tactiques utilisées par les paramilitaires sont celles d’une guerre : tortures, pillages, viols, villages brûlés, meurtres… Chaque journaliste qui écrit la vérité sur ce qui se passe est arrêté ou disparaît. Chaque avocat ou observateur qui va dans la région est expulsé ou emprisonné. Le conflit est rendu invisible. D’où vient-il ?Il est le résultat de la mondialisation. Après la création de l’Organisation mondiale du commerce, en 1995, notre réglementation minière a été assouplie et les multinationales ont cherché à s’accaparer les ressources. Mais sur les terres convoitées vivent des tribus que même l’empire britannique n’a pas réussi à soumettre. En 1996, elles ont obtenu que la loi indienne leur accorde le droit à l’autodétermination. Elles ont exercé ce droit pendant trois ans. La démocratie a fonctionné, mais elle entravait l’économie de l’avidité. Quand on a violé leurs droits en leur imposant des mines, les villageois ont protesté pacifiquement, mais ils ont été jetés en prison. La mondialisation, c’est la loi des multinationales, elle modifie génétiquement l’Etat : il ne représente plus les intérêts des citoyens mais ceux des sociétés mondialisées. L’Etat-entreprise finit par se militariser pour servir les intérêts privés. C’est la mort de la démocratie. Cela se passe partout, mais le conflit qui en découle en Inde est l’un des plus violents. Les gens ne voient que les 7 % de croissance du pays, pas d’où elle vient. Le Premier ministre, Narendra Modi, dit se soucier de l’environnement…Il a gelé les activités de milliers d’ONG, dont Greenpeace ou Amnesty. En Inde, chaque bout de terre est cultivé, chaque forêt abrite une tribu. Quand vous confisquez ces ressources pour ce «miracle» de la croissance, forcément, vous piétinez les communautés. Si l’on tient compte des coûts sociaux et écologiques, nous n’avons pas 7 % de croissance, mais une croissance négative. Le gouvernement n’est vert qu’en termes de «business vert». Oui, l’Inde avance dans le solaire et l’éolien : c’est bon pour les affaires. Mais le plus important, c’est la bonne gestion des forêts et de l’agriculture. Une forêt comme celles du centre de l’Inde absorbe du carbone. Pas une éolienne. Le vrai test pour savoir si une civilisation est écologique en 2017, c’est de savoir si elle respecte les lois de la nature, les populations et leurs droits, la Constitution. Pour l’agriculture, poussez-vous les OGM et pesticides ou l’agroécologie ? Reconnaissez-vous que chaque goutte d’eau doit être économisée ou construisez-vous plus de barrages ? Les vingt premières années de mondialisation ont semé le désespoir parmi les paysans indiens, 300 000 se sont suicidés. Aujourd’hui, ils commencent à se soulever, car ils ont réalisé que leur endettement n’était pas de leur faute, mais de celle du système, celui de Monsanto et de l’industrie chimique. Cinq fermiers ont été tués la semaine dernière par la police car ils manifestaient. Soit le gouvernement renoncera à son mariage avec les Monsanto du monde entier, soit il tuera des gens. Les tribus vivent dans une zone forestière éloignée, où il est facile de cacher des atrocités. Mais les fermiers sont partout et la plupart des indiens sont des fermiers. Ce que je vois émerger en Inde est la sorte d’instabilité qui a mené à l’indépendance du pays face à l’empire britannique. Vous êtes ghandienne : la non-violence suffira-t-elle à résoudre ce conflit?C’est très compliqué. Ces populations étaient non violentes, mais elles sont coincées entre l’Etat qui en recrute certains et les maoïstes qui en recrutent d’autres… Les tribus luttaient pour leurs droits inscrits dans la loi, elles ont été renommées terroristes. Tout est qualifié d’action extrémiste alors que les gens, souvent, protestent juste contre le fait qu’une femme a été violée. J’ai participé en avril à une manifestation en Allemagne en marge de l’assemblée générale de Bayer, qui rachète Monsanto. Et vous ne le croirez pas : Bayer a tenté d’aller en justice pour tenter de faire qualifier les manifestants de terroristes ! Partout, les multinationales emploient les mêmes méthodes pour continuer leurs crimes en déclarant que chacun est un extrémiste. Une économie avide qui veut le dernier minerai, la dernière goutte d’eau, le dernier arbre, est une économie qui veut ôter les dernières libertés de 99 % de la population, car elle n’est au service que d’1% des gens. C’est dans la logique et la structure de cette économie d’exclure de plus en plus de gens. Il faut stopper cette machine avide qui engendre inévitablement de la violence. Nous devons réaliser que sinon, ce que les tribus endurent aujourd’hui, chacun devra y faire face demain. Souvenez-vous du texte de Martin Niemöller : « Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. (...) Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester». Quelle est la solution, alors ? Ce qui se passe dans le centre de l'Inde, c’est l’histoire de notre époque, une fenêtre sur le monde. Ce conflit ne sera pas résolu au sein du pays mais quand il y aura un réveil mondial, quand chacun se rendra compte que ce modèle économique est basé sur la guerre, la violence et le vol. Aujourd’hui, l’empire des multinationales est soutenu par le consumérisme et l’ignorance des citoyens qui vivent loin des lieux d’extraction des matières premières et n’ont aucune idée du coût écologique et humain de leurs achats. Ils n’ont pas idée de ce qu’implique de fabriquer un iPhone 5, remplacé par un 6, puis 7, etc. L’obsolescence programmée entraîne une demande continue pour les ressources. Notre consommation a un coût, le consumérisme n’est pas le progrès humain, mais une régression dans notre responsabilité de citoyens de la Terre. Quand vous achetez une chemise à 5 dollars, qu’est-ce que cela veut dire pour le fermier indien qui s’est suicidé, pour les filles mortes dans des usines au Bangladesh ? On ne peut plus être un consommateur irréfléchi et négligent, en connivence avec la violente machine à faire de l’argent. Il faut refuser de participer à cela, poser des limites démocratiques et écologiques à l’économie extractive. La lutte pour la Terre et nos droits ne peut pas être laissée aux seules communautés directement touchées : nous avons besoin de solidarité. Une solidarité entre ces tribus en Inde, les indigènes d’Amazonie ou d’Afrique qui sont massacrés de la même façon, la jeunesse des pays du Nord de plus en plus exclue du système et chaque citoyen du monde. La situation actuelle menace les conditions de vie de l’humanité, c’est vraiment un péril pour chacun. Agir est un impératif moral, écologique, démocratique. Mais cela prendra du temps...Regardez comme les choses peuvent changer vite ! Je n’avais jamais vu les Américains aussi mobilisés que depuis l’élection de Donald Trump. Ils étaient somnambules, car ils avaient l’illusion de la démocratie. En incarnant le système mis à nu, il aide les Etats-Unis et le monde à se réveiller. Merci |
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